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552 REMARQUES SUR RUDOGUNE.

S'attachent l'une à l'autre, el se laissent piquer Par ces je ne sais quoi qu'on ne peut expliquer.

C'est toujours le poëto qui parle; ce sont toujours des maximes : la passion ne s'exprime point ainsi. Ces vers sont agréables, quoique dont par le doux rapport ne soit point français ; mais ces âmes qui se laissent pi(/iier, ces je ne sais quoi, appartiennent plus à la haute comédie qu'à la tragédie. Ces vers ressemblent à ceux de la Suite du Menteur^ : Quand les ordres du ciel nous ont faits l'un pour l'autre, comme on l'a déjà remarqué. Cependant ces quatre vers, tout éloignés qu'ils sont du style de la véritable tragédie, furent toujours regardés comme un chef-d'œuvre du développe- ment du cœur humain, avant qu'on vît les chefs-d'œuvre véri- tables de liacine en ce genre.

Vers 69. Étrange effet d'amour ! incroyable chimère !

Elle voudrait bien être à Séleucus, si elle n'aimait pas Antio- chus : ce n'est pas là une chimère incroyable; mais cet cxan»en, cette dissertation, cette comparaison de ses sentiments pour les deux frères, ne sont-ils pas l'opposé de la tragédie?

Vers 73. Ne pourrai-je servir une si belle flamme?

N'est-ce pas là un discours de soubrette?

Vers 7i. Ne crois pas en tirer le secret de mon âme.

Tirer n'est pas noble; cet en rend la phrase incorrecte et louche.

Vers 79. L'hymen me le rendra précieux à son tour.

A son tour est de trop ; mais il faut rimer an mot amour. Cette gêne extrême se fait sentir à tout moment.

Vers 81. Sans crainte qu'on re|)roche à mon humeur forcée Qu'un autre qu"un mari règne sur ma pensée.

Ces vers sont dans le style comique. Racine seul a su enno- blir ces sentiments, qui demandent les tours les plus délicats.

Vers 84. Que ne puis-je à moi-même aussi bien le cacher !

est d'une jeune fille timide et vertueuse_qui craint d'aimer. C'est au lecteur à voir si cette timide innocence s'accorde avec ces maximes de politique que Rodogune a étalées, et surtout avec la conduite qu'elle aura.

1. Acte IV, scène r*.

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