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582 REMARQUES SUR RODOGUNE.

yalcric, comme on l'a <l(jà dit^ : il fallait qu'un chevalier n'ima- ginât [)a.s que la dame de ses pensées pût être sensible avant de très-longs services; ces idées infectèrent notre théâtre. Antio- clius, qui ne devrait parler à cette princesse que pour lui dire qu'elle est indigne de lui, et qu'on n'épouse point la vieille maî- tresse de son père quand elle demande la tête de sa belle-mère pour présent de noce, oublie tout d'un coup la conduite révol- tante et contradictoire d'une fille modeste et parricide, et lui dit que personne « n'est assez téméraire jusqu'à s'imaginer qu'il ait riieur de lui ])laire ; que c'est présomption de croire ce miracle; qu'elle est un oracle; qu'il ne faut pas éteindre un bel espoir ». Peut-on souffrir, après ces vers, que Rodogune, qui mériterait d'être enfermée toute sa vie pour avoir proposé un pareil assas- sinat, « trouve trop de vanité dans l'espoir trop i)rompt des termes obligeants de sa civilité »? Ces propos de comédie sont-ils soute- nables? II faut dire la vérité courageusement: il faut admirer, encore une fois, les grandes beautés répandues dans ("inna, dans ks Horaccs, dans te Cid, dans Pompée, dans Polyeucte; mais, si on veut être utile au public, il faut faire sentir des défauts dont l'imitation rendrait la scène française trop vicieuse.

Remarquez encore que cette conjonction parce que ne doit jamais entrer dans un vers noble; elle est dure et sourde à l'o- reille.

Vers 7. Je vois votre mérite et le peu que je vaux,

Et ce rival si clier connoît mieux ses défauts.

Est-ce à Antiochus à parler des défauts de son frère? Com- ment peut-on dire à une telle femme que les deux frères con- naissent trop bien leurs défauts pour oser croire qu'elle puisse aimer l'un des deux?

Vers 23. Lorsque j'ai soupiré, ce n'étoit pas pour vous.

Ce vers paraît trop comique, et achève de révolter le lecteur judicieux, qui doit attendre ce que deviendra la proposition d'un assassinat horrible.

Vers 24. J'ai donné ces soupirs aux mânes d'un époux.

'Voici qui est bien pis. Quoi ! elle prétend avoir été l'épouse du père d'Antiochus ! Elle ne se contente pas d'être parricide, elle se dit incestueuse! En effet, dans les premiers actes, on ne sait si elle a consommé ou non le nuiriage avec le |)ère de ses

1. Para 242.

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