Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/67

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nécessaire d’exposer succinctement une partie des principaux doutes que ces Évangiles ont fait naître.

PREMIER DOUTE.

Le livre qu’on nous donne sous le nom de Matthieu commence par faire la généalogie de Jésu[1] ; et cette généalogie est celle du charpentier Joseph, qu’il avoue n’être point le père du nouveau-né. Matthieu, ou celui qui a écrit sous ce nom, prétend que le charpentier Joseph descend du roi David et d’Abraham par trois fois quatorze générations, qui font quarante-deux, et on n’en trouve que quarante et une. Encore dans son compte y a-t-il une méprise plus grande. Il dit que Josias engendra Jéchonias ; et le fait est que Jéchonias était fils de Jéojakim. Cela seul fait croire à Toland que l’auteur était un ignorant ou un faussaire maladroit.

L’Évangile de Luc fait aussi descendre Jésu de David et d’Abraham par Joseph, qui n’est pas son père. Mais il compte de Joseph à Abraham cinquante-six têtes, au lieu que Matthieu n’en compte que quarante et une. Pour surcroît de contradiction, ces générations ne sont pas les mêmes, et pour comble de contradiction, Luc donne au père putatif de Jésu un autre père que celui qui se trouve chez Matthieu. Il faut avouer qu’on ne serait pas admis parmi nous dans l’ordre de la Jarretière sur un tel arbre généalogique, et qu’on n’entrerait pas dans un chapitre d’Allemagne.

Ce qui étonne encore davantage Toland, c’est que les chrétiens qui prêchaient l’humilité aient voulu faire descendre d’un roi leur messie. S’il avait été envoyé de Dieu, ce titre était bien plus beau que celui de descendant d’une race royale. D’ailleurs un roi et un charpentier sont égaux devant l’Être suprême.

DEUXIÈME DOUTE.

Suivant le même Matthieu, que nous suivrons toujours, « Maria étant grosse par l’opération du Saint-Esprit... et son mari Joseph, homme juste, ne voulant pas la couvrir d’infamie, voulut la renvoyer secrètement (ch. ier, v. 9)... Un ange du Seigneur lui apparut en songe, et lui dit : Joseph fils de David, ne craignez point de revoir votre femme Maria, car ce qui est en elle est l’œuvre

  1. Voyez l’article Généalogie dans le Dictionnaire philosophique, tome XIX page 217.