Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/78

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avoir gardé quelques écus qui pouvaient subvenir à leurs besoins, en donnant tout leur bien aux apôtres. Milord Bolingbroke a bien raison de dire que « la première profession de foi qu’on attribue à cette secte appelée depuis l’onguent[1], ou christianisme, est : Donne-moi tout ton bien, ou je vais te donner la mort. C’est donc là ce qui a enrichi tant de moines aux dépens des peuples ; c’est donc là ce qui a élevé tant de tyrannies sanguinaires ! »

Remarquons toujours qu’il n’était pas encore question d’établir une religion différente de la loi mosaïque ; que Jésu, né Juif, était mort Juif ; que tous les apôtres étaient Juifs, et qu’il ne s’agissait que de savoir si Jésu avait été prophète ou non.

Une aussi étonnante révolution que celle de la secte chrétienne dans le monde ne pouvait s’opérer que par degrés ; et, pour passer de la populace juive sur le trône des Césars, il fallut plus de trois cent trente années.


Chapitre VIII. De Saul, dont le nom fut changé en Paul.

Le premier qui sembla profiter de la tolérance extrême des Romains envers toutes les religions, pour commencer à donner quelque forme à la nouvelle secte des galiléens, est ce saint Paul, qui se dit une fois citoyen romain, et qui, selon Hiéronyme ou Jérôme, était natif du village de Giscala en Galilée. On ne sait pourquoi il changea son nom de Saul en Paul. Saint Jérôme, dans son commentaire de l’Épître de Paul à Philémon, dit que ce mot de Paul signifie l’embouchure de la flûte ; mais il paraît qu’il battait le tambour contre Jésu et sa troupe. Saul était alors petit valet du docteur Gamaliel, successeur d’Hillel, et l’un des chefs du sanhédrin. Paul apprit sous son maître un peu de fatras rabbinique. Son caractère était ardent, hautain, fanatique et cruel. Il commença par lapider le nazaréen Étienne, partisan de Jésu le crucifié ; et il est marqué, dans les actions des apôtres, qu’il gardait les manteaux des Juifs qui, comme lui, assommaient Étienne à coups de pierres.

Abdias, l’un des premiers disciples de Jésu, et prétendu évêque de Babylone (comme s’il y avait eu alors des évêques), assure dans son Histoire apostolique que saint Paul ne s’en tint pas

  1. Christ signifie oint; christianisme, onguent. (Note de Voltaire.)