Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prêtres, ou surveillants, ou évêques de Jérusalem, furent tous circoncis[1].

Auparavant les Juifs chassaient les prétendus diables, et exorcisaient les prétendus possédés au nom de Salomon ; les chrétiens firent les mêmes cérémonies au nom de Jésu-Christ. Les filles malades des pâles couleurs ou du mal hystérique se croyaient possédées, se faisaient exorciser, et pensaient être guéries. On les inscrivait de bonne foi dans la liste des miracles.

Ce qui contribua le plus à l’accroissement de la religion nouvelle, ce fut l’idée qui se répandait alors que le temps de la fin du monde approchait. La plupart des philosophes, et encore plus le peuple de presque tous les pays, crurent que notre globe périrait un jour par le sec, qui l’emporterait sur l’humide. Ce n’était pas l’opinion des platoniciens ; Philon même a fait un traité exprès pour prouver que l’univers est incréé et impérissable ; et il n’a guère mieux prouvé l’éternité du monde que ses adversaires n’en ont prouvé l’embrasement futur. Les Juifs, qui ne savaient pas mieux l’avenir que le passé, disaient, et Flavius Josèphe le raconte, que leur Adam avait prédit deux destructions de notre terre, l’une par l’eau, l’autre par le feu ; ils ajoutaient que les enfants de Seth érigèrent une grande colonne de brique pour résister au feu quand le monde serait brûlé, et une de pierre pour résister à l’eau quand il serait noyé : précaution assez inutile quand il n’y aurait plus personne pour voir les deux colonnes.

On sait quels malheurs fondirent sur la Judée du temps de Néron et de Vespasien, et ensuite sous Adrien. Les Juifs furent en droit d’imaginer que la fin de toutes choses arriverait, du moins pour eux. Ce fut vers ce temps que chaque troupeau de demi-Juifs, de demi-chrétiens, eut son petit Évangile secret. Celui qui est attribué à Luc parle nettement de la fin du monde qui arrive, et du jugement dernier, que Jésu va prononcer dans les nuées ; il fait parler ainsi Jésu :

« Il y aura des signes dans la lune et dans les étoiles, des bruits de la mer et des flots ; les hommes, séchant de crainte, attendront ce qui doit arriver à l’univers entier. Les vertus des cieux seront ébranlées. Et alors ils verront le fils de l’homme venant dans une nuée avec grande puissance et grande majesté. En vérité, je vous dis que la génération présente ne passera point que tout cela ne s’accomplisse. »

  1. Voyez Grabe, Bingham, Fabricius. (Note de Voltaire.)