Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/86

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qu’ils y commettent l’acte de sodomie sur les garçons et sur les filles, qu’ils mettent la partie virile tantôt dans le derrière et tantôt dans la bouche, qu’ils consomment ce sacrifice tantôt dans l’un, et tantôt dans l’autre, etc., etc., etc.[1].

Il est vrai que ceux à qui l’évêque reproche ces épouvantables infamies sont appelés par lui hérétiques ; mais enfin ils étaient chrétiens[2]. Et le sénat romain, ni les proconsuls des provinces, ne pouvaient savoir ce que c’est qu’une hérésie, et une erreur dans la foi. Il n’est donc pas surprenant qu’ils aient quelquefois défendu ces assemblées secrètes, accusées par des évêques même de crimes si énormes.

A Dieu ne plaise qu’on reproche à toutes les sociétés chrétiennes des premiers siècles ces infamies, qui n’étaient le partage que de quelques énergumènes ! Comme on allégorisait tout, on leur avait dit que Jésu était le second Adam. Cet Adam fut le premier homme, selon le peuple juif. Il marchait tout nu, aussi bien que sa femme. De là ils conclurent qu’on devait prier Dieu tout nu. Cette nudité donna lieu à toutes les impuretés auxquelles la nature s’abandonne, quand, loin d’être retenue, elle s’autorise de la superstition.

Si de pieux chrétiens ont fait ces reproches à d’autres chrétiens qui se croyaient pieux aussi au milieu de leurs ordures, ne soyons donc pas étonnés que les Romains et les Grecs aient imputé aux chrétiens des repas de Thyeste, des noces d’Oedipe, et des amours de Giton.

N’accusons pas non plus les Romains d’avoir voulu calomnier les chrétiens en leur reprochant d’avoir adoré une tête d’âne. Ils confondaient ces chrétiens demi-Juifs avec les vrais Juifs qui exerçaient le courtage et l’usure dans tout l’empire. Quand Pompée, Crassus, Sosius, Titus, entrèrent dans le temple de Jérusalem avec leurs officiers, ils y virent des chérubins, animaux à deux têtes, l’une de veau, et l’autre de garçon. Les Juifs doivent être de très mauvais sculpteurs, puisque la loi, à laquelle ils avaient faiblement dérogé, leur défendait la sculpture. Les têtes de veau ressemblèrent à des têtes d’âne, et les Romains furent très excusables de croire que les Juifs, et par conséquent les chrétiens confondus avec les Juifs, révéraient un âne, ainsi que les Égyptiens avaient consacré un bœuf et un chat.

Sortons maintenant du temple de Jérusalem, où deux veaux

  1. Saint Épiphane, pages 41, 46, 47. (Note de Voltaire.)
  2. Ce sont les gnostiques, qu’Épiphane accuse.