Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/91

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de Corinthe[1], dans laquelle il leur dit : « Quand quelqu’un d’entre vous est en différend avec un autre, comment ose-t-il se faire juger (par des Romains) par des méchants, et non par des saints ? Ne savez-vous pas que nous serons les juges des anges mêmes ? A combien plus forte raison devons-nous juger les affaires du siècle !... Quoi ! un frère plaide contre son frère devant des infidèles ! »

Cela seul formait insensiblement un peuple de rebelles, un État dans l’État, qui devait un jour être écrasé, ou écraser l’empire romain.

Secondement, les chrétiens, formés originairement chez les Juifs, exerçaient comme eux le commerce, le courtage et l’usure. Car, ne pouvant entrer dans les emplois qui exigeaient qu’on sacrifiât aux dieux de Rome, ils s’adonnaient nécessairement au négoce, ils étaient forcés de s’enrichir. Nous avons cent preuves de cette vérité dans l’histoire ecclésiastique ; mais il faut être court. Contentons-nous de rapporter les paroles de Cyprien, évêque secret de Carthage, ce grand ennemi de l’évêque secret de Rome, saint Étienne. Voici ce qu’il dit dans son traité des tombés : « Chacun s’est efforcé d’augmenter son bien avec une avidité insatiable ; les évêques n’ont point été occupés de la religion ; les femmes se sont fardées ; les hommes se sont teint la barbe, les cheveux, et les sourcils ; on jure, on se parjure ; plusieurs évêques, négligeant les affaires de Dieu, se sont chargés d’affaires temporelles ; ils ont couru de province en province, de foire en foire, pour s’enrichir par le métier de marchands. Ils ont accumulé de l’argent par les plus bas artifices ; ils ont usurpé des terres, et exercé les plus grandes usures. »

Qu’aurait donc dit saint Cyprien s’il avait vu des évêques oublier l’humble simplicité de leur état jusqu’à se faire princes souverains ?

C’était bien pis à Rome ; les évêques secrets de cette capitale de l’empire s’étaient tellement enrichis que le consul Caïus Prétextatus, au milieu du iiie siècle, disait : « Donnez-moi la place d’évêque de Rome, et je me fais chrétien. » Enfin les chrétiens furent assez riches pour prêter de l’argent au césar Constance le Pâle, père de Constantin, qu’ils mirent bientôt sur le trône.

Troisièmement, les chrétiens eurent presque toujours une pleine liberté de s’assembler et de disputer. Il est vrai que lorsqu’ils furent accusés de sédition et d’autres crimes, on les réprima ; et c’est ce qu’ils ont appelé des persécutions.

  1. Première aux Corinthiens, ch. v. (Note de Voltaire.)