Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/322

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Il faut, surtout, qu’il ne dédaigne pas les petits emplois convenables à son âge, à sa fortune, et à son état : car, quoiqu’il soit né avec du mérite, il n’a encore rien fait d’assez bon pour qu’on le mette au rang des gens de lettres qui ont à se plaindre de l’injustice du siècle.

Je voudrais qu’il pût attraper quelque bénéfice de votre archevêque. Voilà, ce me semble, ce qui lui conviendrait le mieux. Peut-être que vous pourrez, avec M. de Formont et avec le secours de M. de Tressan, lui procurer quelque petit établissement de cette espèce, sans quoi il sera réduit à passer par l’amertume des emplois subalternes. Ce qu’il a de mieux à faire, pendant qu’il est encore jeune, c’est de se retirer dans un grenier, chez sa mère, et de cultiver son talent dans la retraite, en attendant qu′il puisse le produire au grand jour avec succès.

Je vais m’arranger pour vous donner les étrennes que vous me demandez. Ce sont de vraies étrennes, car tout cela n’est que bagatelle. Je ne compte pas faire imprimer si tôt toutes ces petites pièces fugitives ; il ne faut pas assommer le public coup sur coup. Je vais seulement finir l’édition de la Henriade qui est entre les mains de Jore. Il n’y a plus de Henriade, à Paris, chez les libraires, et il ne faut pas en laisser manquer, de peur qu’on ne se désaccoutume de les demander. Après cela viendra l’édition des Lettres anglaises ; et je serai le

Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume
Peut tous les mois, sans peine, enfanter un volume.

(Boileau, sat. ii, v. 77.)

Mandez-moi, je vous prie, comment va la guerre civile de la Rivière-Bourdet. Ragotin[1] a-t-il raccommodé Mme Bouvillon avec M. de la Baguenaudière ? Adieu ; je vous embrasse de tout mon cœur. V,


291. — Á M. DE CIDEVILLE.
À Paris, ce samedi 15 novembre 1732.

J’arrive de Fontainebleau, mon cher ami ; mais ne croyez pas que j’arrive de la cour. Je ne me suis point gâté dans ce vilain pays.

J’ai hanté ce palais du vice,
Où l’on fait le bien par caprice,

  1. Ces noms de personnages du Roman comique désignent ici le marquis de Lézeau, avec M. et Mme de Bernières, qui ne vivaient pas entre eux en bonne intelligence. (Cl.)