Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/349

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bien me faire savoir ses intentions, j’attendrai ses ordres avant de rien faire. Son nom est déjà si cher aux beaux-arts qu’il ne lui appartient plus : il est à nous ; mais je n’oserais jamais en faire usage sans son aveu. Je vous supplie de lui faire la cour d’un pauvre malade.

Adieu ; je m’intéresse au succès du ballet comme vous-même. Comptez que je vous aime de tout mon cœur.


320. — Á M. DE MONCRIF[1].
Á… 1733.

On a montré le Temple du Goût, tel qu’il est, à monsieur le garde des sceaux[2], et on a jugé qu’on pouvait en avoir non-seulement une permission tacite, mais un privilège, n’y ayant rien qui blesse l’État, la religion, ni les mœurs. M. l’abbé de Rothelin[3], qui a bien voulu me donner tous les jours ses conseils sur cet ouvrage, et qui le protège, a cru que M. de Crèbillon, qui n’est pas maltraité dans le Temple, en serait un juge favorable. Je lui ai fait tenir le manuscrit par monsieur son fils.

Je vous prie, mon cher ami, de vouloir bien lire à monseigneur le comte de Clermont l’endroit qui le regarde. J’userai de la même précaution avec M. le prince de Conti. Je vous prie aussi de vouloir bien parler à M. de Crèbillon, afin qu’il ait la bonté de rapporter promptement mon affaire. Si la petite drôlerie[4] réussit, comme je n’en doute nullement, permettez-moi d’en dire un petit mot.


321. — Á M. DE MONCRIF.
11 avril.

Du dieu du Goût j’ai le temple pollu ;
Du dieu d’amour vous ornerez l’Empire,
Car vous avez mentule, plume et lyre ;
Vous savez f…, aimer, chanter, écrire ;
Moi, je n’ai rien qu’un talent mal voulu,
Honni des sots, et qu’on prend pour satire.
Donc je verrai mon Temple vermoulu.
Vous, vous serez baisé, fredonné, lu,
Claqué surtout, heureux comme un élu ;
Et moi sifflé ; mais je ne fais qu’en rire.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. L. de Chauvelin.
  3. Membre de l’Académie française, qui figure dans le Temple du Goût.
  4. Le ballet de Moncrif, l’Empire de l’Amour.