Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voit, plus on vous aime. C’est une vérité que vous m’avez fait connaître par mon expérience. Permettez-moi de vous prier d’entretenir la bonne volonté qu’on a pour moi à la Neuville. À l’égard de celle de ma femme[1], je m’en remets à la Providence, et à ma patience de cocu.


428. — Á MADAME LA COMTESSE DE LA NEUVILLE.

Je vous envoie, madame, cette Épltre sur la Calomnie, qui ne mérite votre attention que par la personne à qui elle est adressée.

Daignez donc parcourir, de vos yeux pleins d’attraits,
Ces vers contre la calomnie ;
Ce monstre dangereux ne vous blessa jamais ;
Vous êtes cependant sa plus grande ennemie.
Votre esprit sage et mesuré.
Non moins indulgent qu’éclairé,
Plaint nos travers, au lieu d’en rire,
Excuse, quand il peut médire ;
Et des vices de l’univers
Votre vertu, mieux que mes vers,
Fait à tout moment la satire.

Je joins à mon obéissance une petite œuvre de surérogation, la Mule du pape[2]. C’est une satire que j′ai retrouvée dans mes paperasses. Vous me pardonnerez bien de m’être un peu émancipé sur le saint-père. J’ai l’honneur d’être réuni avec les jansénistes par une honnête aversion pour la cour de Rome ; mais je vous suis bien plus attaché que je ne hais le pape, et j’aime mille fois mieux chanter vos louanges que de me moquer de la cour romaine. Que ma femme me fasse souvent cocu ; que Mme de Champbonin, votre bonne amie, n’ait point d’indigestion, je serai toujours très-heureux.


429. — Á M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Septembre.

J’avais, ô adorable ami ! entièrement abandonné mon héros à mâchoire d’âne, sur le peu de cas que vous faites de cet Hercule grossier, et du bizarre poëme[3] qui porte son nom. Mais

  1. Cette plaisanterie est répétée à la fin de la lettre qui suit celle-ci.
  2. L’un des contes en vers de Voltaire ; voyez tome IX.
  3. Sans doute la pièce de Romagnési, dont il est parlé, tome III, page 3.