Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/468

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-quelles certains fous se sont fait brûler autrefois par certains sots ?

Faites-moi l’amitié, je vous prie, de me mander ce qu’est devenu Jore. Sa famille est-elle encore à Rouen ? Ce misérable Jore en a usé bien indignement avec moi, et bien imprudemment avec lui-même. Cependant je crois que je serai à portée incessamment de lui rendre service, et je le ferai avec zèle, quelques sujets que j’aie de me plaindre de lui.

Je suis bien étonné de n’avoir reçu aucune lettre de M. Linant, depuis qu’il a quitté le petit ermitage dont l’ermite était proscrit. Il me semble que c’est pousser la paresse bien loin que de ne pas daigner, en trois mois, écrire un mot à quelqu’un à qui il devait un peu de souvenir. Mais je lui pardonne, si jamais il fait quelque bon ouvrage. Écrivez-moi, mon cher Formont ; ne soyez pas si paresseux que le gros Linant. Mandez-moi où est notre cher Cideville ; adressez votre lettre sous le couvert de Demoulin, à Paris, vis-à-vis Saint-Gervais. Adieu, vous savez que je vous suis attaché pour toute ma vie.


434. — Á M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Dans un cabaret hollandais, sur le chemin de Bruxelles, le 4 novembre.

Mon cher et respectable ami, voilà horriblement du bruit pour une omelette[1]. On ne peut être ni moins coupable ni plus vexé. Je n’ai pas manqué une poste. Ce n’est pas ma faute si elles sont très-infidèles dans les chemins de traverse de l’Allemagne ; et, puisqu’on envoya en Touraine une de vos lettres, adressée en Hollande, on peut avoir fait de plus grandes méprises dans la Franconie et dans la Vestphalie. J’ai été un mois entier sans recevoir des nouvelles de votre amie[2] ; mais j’ai été affligé sans colère, sans croire être trahi, sans mettre toute l’Allemagne en mouvement. Je vous avoue que je suis très-fâché des démarches qu’on a faites. Elles ont fait plus de tort que vous ne pensez ; mais il n’y a point de fautes qui ne soient bien chères, quand le cœur les fait commettre. J’ai les mêmes raisons pour pardonner qu’on a eues de se mal conduire. Vous auriez grand tort, mon cher ange, de m’avoir condamné sans m’entendre. Et quel besoin

  1. C’est le mot attribué à Desbarreaux ; voyez tome XXVI, la septième des Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.
  2. Mme du Châtelet.