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CORRESPONDANCE.

Les Grâces même et la troupe des Ris,
Quoiqu’ils soient tous citoyens de Paris,
Et qu’en ces lieux ils se plaisent à vivre,
Jusqu’en province ont bien voulu vous suivre.

Ayez donc la bonté de m’envoyer, madame, signée de votre main, la permission de venir vous voir. Je n’écris point à M. de Mimeure, parce que je compte que c’est lui écrire en vous écrivant. Permettez-moi seulement, madame, de l’assurer de mon respect et de l’envie extrême que j’ai de le voir.



22. — À M. L’ABBÉ DE CHAULIEU.
De Sully, 20 juin 1716.

Monsieur, vous avez beau vous défendre d’être mon maître, vous le serez, quoi que vous en disiez. Je sens trop le besoin que j’ai de vos conseils ; d’ailleurs les maîtres ont toujours aimé leurs disciples, et ce n’est pas là une des moindres raisons qui m’engagent à être le vôtre. Je sens qu’on ne peut guère réussir dans les grands ouvrages sans un peu de conseils et beaucoup de docilité. Je me souviens bien des critiques que monsieur le grand-prieur[1], et vous, me fîtes dans un certain souper chez M. l’abbé de Bussy. Ce souper-là fit beaucoup de bien à ma tragédie, et je crois qu’il me suffirait pour faire un bon ouvrage de boire quatre ou cinq fois avec vous. Socrate donnait ses leçons au lit, et vous les donnez à table : cela fait que vos leçons sont sans doute plus gaies que les siennes.

Je vous remercie infiniment de celles que vous m’avez données sur mon épître à M. le Régent ; et quoique vous me conseilliez de louer, je ne laisserai pas de vous obéir.

Malgré le penchant de mon cœur,
À vos conseils je m’abandonne.
Quoi ! je vais devenir flatteur !
Et c’est Chaulieu qui me l’ordonne !

Je ne puis vous en dire davantage, car cela me saisit. Je suis, avec une reconnaissance infinie, etc.

  1. Le grand-prieur était Philippe de Vendôme, mort le 24 janvier 1727, frère de Louis-Joseph, duc de Vendôme. — L’abbé de Bussy fut plus tard évêque de Luçon. Voyez l’année 1719. (Cl.)