Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/480

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prendre, je lui écrirais pour lui faire mon compliment de condoléance de n’être plus avec un prince, et pour le féliciter d’avoir retrouvé sa liberté.

Vous voyez sans doute M. Rameau. Je vous prie de l’assurer qu’il n’a point d’ami ni d’admirateur plus zélé que moi, et que si, dans ma solitude et dans ma vie philosophique, je retrouve quelque étincelle de génie, ce sera pour le mettre avec le sien.

Quand vous n’aurez rien à faire de mieux, et que vous voudrez bien continuer à me donner de vos nouvelles, vous me ferez un extrême plaisir ; quand on n’a pas le plaisir de vous voir,rien ne peut consoler que vos lettres.

Est-il vrai que le comte de Charolais ait écrit la lettre[1] dont on a parlé ? Est-il vrai que l’auteur de Tithon ait été disgracié pour avoir vieilli, en un jour, de quelques années, auprès de la Camargo ? Est-il vrai que l’abbé Houteville ait fait une longue harangue[2], et le duc de Villars un compliment fort joli ? Est-il vrai que vous ayez toujours de l’amitié pour moi ?


450. — Á M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ce 18 décembre.

Je ne crois pas que mes sauvages puissent jamais trouver un protecteur plus poli que vous, et que je puisse jamais avoir un ami plus aimable. Il ne faut plus songer à faire jouer cela cet hiver ; plus j’attendrai, plus la pièce y gagnera. Je ne serai pas fâché d’attendre un temps favorable où le public soit vide de nouveautés. Je suis charmé qu’on m’oublie ; le secret d’ailleurs en sera mieux gardé sur la pièce, et le peu de gens qui ont su que j’avais envie de traiter ce sujet seront déroutés.

Puisque la conversion de Gusman vous plaît, il ira droit en paradis, et jespère faire mon salut auprès du parterre.

La façon de tuer ce Gusman chez lui n’est pas si aisée que d’opérer sa conversion. Zamore avait pris déjà l’épée d’un Espagnol pour ce beau chef-d’œuvre ; si vous voulez, il prendra encore les habits de l’Espagnol. J’avais fait endormir la garde, peu nombreuse et fatiguée ; si vous voulez, je l’enivrerai pour la faire mieux ronfler.

Faire de Montèze un fripon me paraît impossible. Pour qu’un

  1. Voyez plus bas la lettre 452.
  2. Le discours de l’abbé Houteville pour la réception du duc de Villars, le 9 décembre 1734, était cinq fois plus long que celui du récipiendaire.