Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/509

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sans de fortes preuves ; et il me paraît que le bien qu’on peut dire de Julien est prouvé par les faits, et que le mal ne l’est que par oui-dire et par conjectures. Après tout, qu’importe ? Pourvu que nous n’ayons aucune sorte de superstition, à la bonne heure que Julien en ait eu.

Vous savez que nos philosophes argonautes[1] sont partis enfin pour aller tracer une méridienne et des parallèles dans l’Amérique. Nous saurons enfin quelle est la figure de la terre, et ce que vaut précisément chaque degré de longitude. Cette entreprise rendra service à la navigation, et fera honneur à la France. Le conseil d’Espagne a nommé quelques petits philosophes espagnols pour apprendre leur métier sous les nôtres. Si notre politique est la très-humble servante de la politique de Madrid, notre Académie des sciences nous venge. Les Français ne gagnent rien à la guerre, mais ils toisent l’Amérique. Savez-vous que l’Académie des belles-lettres s’est chargée de faire une belle inscription pour la besogne de nos argonautes ? Toute cette Académie en corps, après y avoir mûrement réfléchi, a conclu que ces messieurs allaient mesurer un arc du méridien sous un arc de l’équateur. Vous remarquerez que les méridiens vont du nord au sud, et que, par conséquent, l’Académie des belles-lettres, en corps, a fait la plus énorme bévue du monde. Cela ressemble à celle de l’Académie française, qui fit imprimer, il y a quelques années, cette belle phrase : Depuis les pôles glacés jusqu’aux pôles brûlants’[2].

Le papier manque. Vale.


476. — Á M. LE MARQUIS DE CAUMOM[3].
À Paris, ce 19 avril 1735.

Il y a peu de choses, monsieur, auxquelles j’aie été aussi sensible qu’au souvenir dont vous voulez bien m’honorer. Il est vrai que je me suis amusé dans ma retraite à plus d’un genre de littérature ; mais il n’y a pas d’apparence que j’en laisse rien transpirer dans le public. Je m’aperçois tous les jours qu’il faut vivre et penser pour soi, et que la chimère de la réputation ne console point des chagrins qu’elle traîne après soi. Il y a des

  1. Godin, Bouguer, et La Condamine, qui s’embarquèrent à la Rochelle, le 16 mai 1735, pour Quito.
  2. Voyez tome XXII, page 7.
  3. Communiquée par M. Ch. Romey. (B.) — Voyez n° 364.