Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/546

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je suis toujours très-indigné de l’édition de Jules César ; je ne l’ai point encore vue.

On dit que, dans les Indes, l’opéra de Rameau[1] pourrait réussir. Je crois que la profusion de ses doubles croches peut révolter les lullistes ; mais, à la longue, il faudra bien que le goût de Rameau devienne le goût dominant de la nation, à mesure qu’elle sera plus savante. Les oreilles se forment petit à petit. Trois ou quatre générations changent les organes d’une nation. Lulli nous a donné le sens de l’ouïe, que nous n’avions point ; mais les Rameau le perfectionneront. Vous m’en direz des nouvelles dans cent cinquante ans d’ici. Adieu, j’ai cent lettres à écrire.


508. — Á M. LE CHEVALIER FALKENER[2].
ambassade d′angleterre à constantinople
De Cirey, près de Vassy en Champagne, le 18 septembre 1735.

My dear friend, your new title will change neither my sentiments, nor my expressions. My dear Falkener, friendship is full of talk, but it must be discreet. In the hurry of business you are in, remember only I talk’d to you, about seven years ago, of that very same ambassy. Remember I am the first man who did foretell the honour you enjoy. Believe then no man is more pleased with it than I am. I have my share in your happiness.

If you pass through France in your way to Constantinople, I advise you I am but twenty leagues from Calais, almost in the road to Paris. The castle is called Cirey, four miles from Vassy en Champagne on Saint-Dizier’s road, and eight miles from Saint-Dizier. The post goes thither. There lives a young lady called the marquise du Châtelet, whom I have taught english to, and who longs to see you. You will lie here, if you remember your friend[3]

  1. Jeu de mots sur le titre de l’ouvrage de Rameau ; voyez lettre 496.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Traduction : Mon cher ami, votre nouveau titre ne changera rien à mes sentiments ni à mes expressions. Mon cher Falkener, l’amitié est bavarde, mais il faut qu’elle soit discrète. Dans le tourbillon d’affaires où vous êtes, rappelez-vous seulement que je vous ai parlé, il y a environ sept ans, de cette même ambassade. Rappelez-vous que je suis le premier qui vous ai prédit l′honneur dont vous jouissez. Croyez donc que nul n’en est plus satisfait que moi. J’ai ma part dans votre bonheur.

    Si vous passez par la France pour vous rendre à Constantinople, je vous avertis que je ne suis qu’a vingt lieues de Calais, presque sur la route de Paris. Le château