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ANNÉE 1719.

verrons qui aura raison de nous deux. Je vous réponds par avance que, si je remporte la victoire, je n’en serai pas fort enorgueilli.

Je vous remercie beaucoup de ce que vous m’avez envoyé pour mon œil : c’est actuellement le seul remède dont j’aie besoin car soyez bien sûre que je suis guéri pour jamais du mal que vous craignez pour moi ; vous me faites sentir que l’amitié est d’un prix plus estimable mille fois que l’amour. Il me semble même que je ne suis point du tout fait pour les passions. Je trouve qu’il y a en moi du ridicule à aimer, et j’en trouverais encore davantage dans celles qui m’aimeraient. Voilà qui est fait ; j’y renonce pour la vie.

Je suis sensiblement affligé de voir que votre colique ne vous quitte point ; j’aurais dû commencer ma lettre par là. Mais ma guérison, dont je me flatte, m’avait fait oublier vos maux pour un petit moment.

S’il y a quelques nouvelles, mandez-les-moi à Villars[1], je vous en prie. Conservez, si vous pouvez, votre santé et votre fortune. Je n’ai rien de si à cœur que de trouver l’une et l’autre rétablies a mon retour. Écrivez-moi, au plus tôt, comment vous vous portez.



39. — M. DE GÉNOMVILLE À M. DE VOLTAIRE[2].

1719.

Ami très-cher, si l’humeur noire,
Que dans l’esprit jettent les maux,
N’a point obscurci ma mémoire,
En vers faciles et nouveaux
Tu nous avais promis l’histoire
De ton voyage, et quatre mots
Du coche et des maigres chevaux
Qui t’ont conduit aux bords de Loire.
Je t’y crois en un plein repos
Entre ton duc et ton héros.
Là, tu vas acquérir la gloire
Que nous disputaient nos rivaux.
Ranime tes premiers travaux,
Réveille ton heureux génie ;
Ne souffre plus que l’Italie,
Étalant l’orgueil de ses sons,
Nous fasse admirer sa folie,

  1. Château à trois quarts de lieue de Melun. Il a successivement porté les noms de Vaux-Fouquet, Vaux-Villars, et Vaux-Prâlin, ayant appartenu au surintendant Fouquet, au maréchal de Villars, et au duc de Choiseul-Prâlin, l’un des correspondants de Voltaire. (Cl.)
  2. Pièces inédites de Voltaire, 1820.