Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/140

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Les prétendus sujets de la prétendue rupture de ce galant homme avec moi sont donc que j’ai eu des distractions à la messe ; que je lui ai récite des vers dans le goût de la Moïsade, et que j’ai parlé de lui en termes peu respectueux à M, le duc d’Aremberg. Eh bien ! messieurs, je vais vous dire les véritables sujets de sa haine ; et je consens, ce qui est bien fort, d’être aussi déshonoré que lui si j’avance un seul mot dont on puisse me démentir.

Il récita à cette dame, que j’avais l’honneur d’accompagner, et à moi, je ne sais quelle allégorie contre le parlement de Paris, sous le nom de Jugement de Pluton : pièce bien ennuyeuse, dans laquelle il vomit des invectives contre le procureur général et contre ses juges, et qui finit par ces vers, autant qu’il m’en souvient :

Et que leur peau sur ces bancs étendue,
À l’avenir consacrant leurs noirceurs,
Serve de siège à tous leurs successeurs.

(Liv. II, allégor. ii.)

Ces derniers vers sont copiés d’après l’épigramme de M. Boindin contre Rousseau, laquelle est connue de tout le monde ; la différence qui se trouve entre l’épigramme et les vers de Rousseau, c’est que l’épigramme est bonne.

Il récita ensuite un ouvrage dont le titre n’est pas la preuve d’un bon esprit ni d’un bon cœur. Ce titre est la Palinodie. Il faut savoir qu’autrefois il avait fait une petite épître à M. le duc de Noailles, alors comte d’Aven. Dans cet ouvrage il disait (liv. Ier, ép. iv) :

Oh ! qu’il chansonne bien !
Serait-ce point Apollon Delphien ?
Venez, voyez, tant a beau le visage,
Doux le regard, et noble le corsage !
C’est il, sans faute.

Cette pièce, écrite toute de ce goût, fut sifflée, comme vous le croyez bien ; cependant M. le duc de Noailles le protégea en le méprisant, et daigna lui donner un emploi. Savez-vous ce qu’il fit dans le même temps ? Il écrivit une lettre sanglante contre son bienfaiteur. Cette lettre parvint jusqu’à M. de Noailles. Je ne dis rien que ce seigneur ne puisse attester, et j’ajoute qu’il poussa la grandeur d’âme jusqu’à oublier l’ingratitude de ce poète.

Rousseau, hors de France, fit son ode de la Palinodie. Il avait raison assurément de désavouer des vers ennuyeux ; mais du