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Beauvau. Je vous garderai un profond secret sur votre demeure. Il faut que Rousseau vous croie déjà parti de Hollande, puisqu´il a fait une épigraimme sanglante contre vous. Elle commence ainsi :

Cet écrivain plus errant que le juif
Dont il arbore et le stylo et le masque[1].

Voilà tout ce qu’on m’a écrit de cette épigramme, ou plutôt de cette satire. Elle a, dit-on, dix-huit vers. Ce malheureux veut toujours mordre et n’a plus de dents.

Voulez-vous bien me permettre de vous envoyer une Réponse[2] en forme que j’ai été obligé de faire à un libelle diffamatoire qu´il a fait insérer dans la Bibliothèque française ?

J’aurais encore, monsieur, une autre grâce à vous demander : c’est de vouloir bien m’instruire quels journaux réussissent le plus en Hollande, et quels sont leurs auteurs. Si parmi eux il y a quelqu’un sur la probité de qui on puisse compter, je serai bien aise d’être en relation avec lui. Son commerce me consolerait de la perte du vôtre, que vous me faites envisager vers le mois d’avril. Mais, monsieur, en quelque pays que vous alliez, fût-ce en pays d’inquisition, je rechercherai toujours la correspondance d’un homme comme vous, qui sait penser et aimer.

Supprimons dorénavant les inutiles formules, et reconnaissons-nous l’un et l’autre à notre estime réciproque et à l’envie de nous voir. Je me sens déjà attaché à vous par la lettre pleine de confiance et de franchise que vous m’avez écrite, et que je mérite.


662. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey, ce 18 octobre.

Fiet Aristarchus · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

(Hor., de Arte poet., v. 430.)

Vous êtes, mon très-cher abbé, le meilleur ami et le meilleur critique qu’il y ait au monde. Que n’avez-vous eu la bonté de relire la Henriade avec les mêmes yeux ! La nouvelle édition est achevée ; vous m’auriez corrigé bien des fautes, vous les auriez changées en beautés.

  1. On ne trouve pas cette épigramme dans les Œuvres de J.-B. Rousseau. (B.)
  2. C’est la lettre 646.