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On a très-mal fait de se reposer sur la parole positive du prince de Guise. Les paroles positives des princes sont des chansons, et les siennes sont pis. Il faut absolument lui écrire, et, quelque temps après, faire saisir sur les fermes générales. Il ne coûte pas grand’chose d’écrire aussi de temps à autre à l’infendant de M. de Richelieu. Vous me ferez plaisir de m’envoyer les factums, pour et contre, sur son affaire.

Un petit mot encore à M. de Lézeau, je vous prie. Il faut que monsieur votre frère lui demande positivement dans quel temps et sur quels effets il prétend me payer ; après quoi il faudra agir.

Je ne crois pas que MM. Delarue refusent trois cents louis en or sur une somme de vingt mille livres. Il faut tâcher de les y engager.

Je vous supplie de presser encore Hébert, de la part de Mme du Châtelet, et de l’assurer que l’argent est au bout.

Je vous embrasse tendrement.


773. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Remusberg, 16 août.

Quoi, sans cesse ajoutant merveilles sur merveilles.
Voltaire, à l’univers tu consacres tes veilles !
Non content de charmer par tes divins écrits.
Tu fais plus, tu prétends éclairer les esprits.
Tantôt, du grand Newton débrouillant le système,
Tu découvre à nos jeux sa profondeur extrême ;
Tantôt, de Melpomène arborant les drapeaux,
Ta verve nous prépare à des charmes nouveaux.
Tu passes de Thalie aux pinceaux de l’histoire :
Du grand Charle et du czar éternisant la gloire,
Tu marqueras dans peu, de ta savante main,
Leurs vices, leurs vertus, et quel fut leur destin ;
De ce héros vainqueur la brillante folie,
De ce législateur les travaux en Russie ;
Et dans ce parallèle, effroi des conquérants,
Tu montreras aux rois le seul devoir des grands.
Pour moi, de ces climats habitant sédentaire.
Qui sans prévention rends justice à Voltaire,
J’admire en tes écrits de diverse nature,
Tous les dons dont le ciel te combla sans mesure.
Que si la calomnie, avec ses noirs serpents,
Veut flétrir sur ton front tes lauriers verdoyants,
Si, du fond de Bruxelle, un Rufus[1] en furie
Sait lancer son venin au sein de ta patrie,
Que mon simple suffrage, enfant de l’équité,
Te tienne du moins lieu de la postérité !

  1. Nom sous lequel J.-B. Rousseau est désigné dans l’Épître sur la Calomnie.