Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/330

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Je sais que vous avez la noble ambition de songer à exceller dans tout ce que vous entreprenez. Nous avez tellement réussi dans la musique, que votre difficulté à présent sera d’avoir auprès de vous un musicien qui vous surpasse. Nous venons d’exécuter ici de votre musique. Votre portrait était au-dessus du clavecin.

Vous êtes donc fait, grand prince, pour enchanter tous les sens ! Ah ! qu’on doit être heureux auprès de votre personne, et que M. de Keyserlingk a bien raison de l’aimer ! Nous avons tous jugé, en le voyant, de l’ambassadeur par le prince, et du prince par l’ambassadeur. Enfin, monseigneur, les autres princes n’auront que des sujets, et vous n’aurez que des amis. C’est en quoi surtout vous excellez.

Je vois que le bonheur est rarement pur. Votre Altesse royale m’écrit des lettres d’un grand homme, m’envoie les ouvrages d’un sage ; et vous voyez que le chemin est bien long pour me faire parvenir ces trésors, M. Dubreuil[1] remet les paquets à un ami qui a des correspondances, et cela prend bien des détours. Vous m’avez rendu avide et impatient. Je suis comme les courtisans, insatiable de nouveaux bienfaits. Voulez-vous, monseigneur, essayer de la voie de M. Thieriot ? Il me remettra les paquets par une voie sûre de Paris à Cirey.

Recevez, monseigneur, avec votre bonté ordinaire, les sincères protestations du respect profond, du tendre, de l’inviolable dévouement, de l’estime, et de la passion, enfin, de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.


781. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Cirey, octobre.

Monseigneur, j’ai reçu la dernière lettre dont Votre Altesse royale m’a honoré, en date du 20 septembre. Je suis fort en peine de savoir si mon dernier paquet et celui qui était destiné pour M. de Keyserlingk[2] sont parvenus à leur adresse ; ces paquets étaient du commencement du mois d’août.

Vous m’ordonnez, monseigneur, de vous rendre compte de mes doutes métaphysiques ; je prends la liberté de vous envoyer un extrait d’un chapitre sur la Liberté. Votre Altesse royale y verra au moins de la bonne foi, si elle y trouve de l’ignorance ; et

  1. Celui dont il est parlé dans les lettres 724, 753 et 796.
  2. Voyez la lettre 771.