Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/481

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Autre tracasserie : des Épîtres nouvelles, dont je ne veux certainement pas être l’auteur, des imputations que vous savez que je ne mérite pas, un vers qu’on applique à la fille[1] d’un ministre ! Je suis au désespoir ! J’ai mille obligations à ce ministre. Il y a vingt-cinq ans que je suis attaché à la mère de la personne à qui l’on ose faire cette application malheureuse. J’aime personnellement cette personne ; son mari, que je pleure encore, est mort dans mes bras ; par quelle rage, par quelle démence aurais-je pu l’offenser ? Sur quoi fonde-t-on cette interprétation si maligne ? A-t-elle jamais fait des couplets contre quelqu’un ? Si on persiste à répandre un venin si affreux sur des choses si innocentes, il faut renoncer aux vers, à la prose, à la vie.

J’ai fait la valeur de quatre nouveaux actes à Mérope, j’y travaille encore : voilà pourquoi je ne l’ai point envoyée à Mme de Richelieu. Si vous la voyez, dites-lui à l’oreille un mot de réponse. Je me recommande à Raphaël, lorsque Gabriel s’en va au diable. Mme du Châtelet, qui vous aime infiniment, vous fait les plus tendres compliments. Je vous suis attaché comme à monsieur votre frère ; que puis-je dire de mieux ? Adieu, Castor et Pollux, mea sidéra, qui n’habiterez bientôt plus le même hémisphère.

Ordonnez ce qu’il faut faire pour réparer le malheur de cette horrible application. J’écris à Prault de tout supprimer ; j’écris à monsieur votre frère en conséquence. Je vous demande en grâce le secret sur les Épîtres que je désavoue, et la plus vive protection sur l’abus qu’on en fait. Mme du Châtelet vous fait les plus tendres compliments, et partage ma reconnaissance. Vous devriez bien nous faire avoir le Fat puni[2] ; on dit qu’il est charmant.


865. — MADAME DENIS À M. THIERIOT[3].
De Landau, 10 mai 1738.

Je suis ici, monsieur, du 22 avril sans vous avoir écrit, mais non pas sans songer à vous. Je me flatte que vous êtes assez de mes amis pour m’excuser en faveur de l’embarras et de la fatigue où j’ai été depuis mon arrivée.

J’ai fait une neuvaine à Cirey. Je m’y suis acquittée de tout ce dont

  1. Mme de Ruffec ; voyez la note 2 de la page précédente.
  2. Comédie de M. de Pont-de-Veyle, représentée le 14 avril 1738. Elle est tirée du Gascon puni, conte de La Fontaine.
  3. Pièces inédites de Voltaire, Paris, 1820.