Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/53

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À l’égard de l’Apologétique[1] de Tertullien, toutes choses mûrement considérées, il faut qu’il paraisse avec des changements, des additions, des retranchements ; mais, ne vous en déplaise, un honnête homme doit dire très-hardiment qu’il est honnête homme. Voilà qui est plaisant de conseiller de faire de mon apologie une énigme dont le mot soit la vertu ! On peut laisser conclure qu’on a les dents belles et la jambe bien tournée, mais l’honneur ne se traite pas ainsi : il se prouve et il s’affiche. Il est d’autant plus hardi qu’il est attaqué, et de telles vérités ne sont pas faites pour porter un masque. Votre amitié y est intéressée. Les calomniateurs qui disent, qui impriment que j’ai trompé des libraires, vous outragent en m’insultant, puisque c’est vous qui avez fait les éditions anglaises des Lettres[2], et qui avez reçu plusieurs souscriptions ; en un mot, c’est ici une des affaires les plus sérieuses de ma vie ; et, croyez-moi, elle influe sur la vôtre. C’est une occasion où nous devrions nous réunir, fussions nous ennemis. Que ne doit donc pas faire une amitié de vingt années !

Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse avec tendresse. Continuez à m’aider et en particulier et en public, et à répandre sur vous et sur moi, par vos discours sages, polis, et mesurés, la considération que notre amitié et notre goût pour les arts méritent.

Je suis bien étonné de ne pas recevoir des nouvelles de monsieur votre frère. Mais, mon Dieu, ai-je écrit à notre cher petit Bernard, qui le premier m’annonça la victoire d’Alzire ? Ma foi, je n’en sais rien ; demandez-le-lui. Buvez à ma santé avec Pollion. Adieu ; je vous aime de tout mon cœur.


570. — Á M. THIERIOT.
4 mars.

J’ai été malade ; Mme du Châtelet l’est à son tour. Je vous écris à la hâte au chevet de son lit, et c’est pour vous dire qu’on vous aime à Cirey autant que chez Plutus-Pollion[3] ; puis vous saurez

  1. Voyez la note sur la lettre 555.
  2. Les Lettres philosophiques, dont les éditions anglaises sont intitulées Letters conceming the english nation.
  3. Alexandre-Jean-Joseph Leriche de La Pouplinière, connu sous le nom de La Popelinière, fermier général et auteur, né en 1692, mort en janvier 1762 ; voyez la lettre que Voltaire lui écrivit le 15 février 1761. La Popelinière, que ses parasites et Voltaire lui-même appelaient Pollion, se permettait de corriger les vers de Voltaire. C’est pourquoi Voltaire le désigne quelquefois sous le nom de Tucca