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Il y a un diable d’Anglais[1] qui a fait une très-belle traduction du saint Alcoran, précédée d’une préface beaucoup plus belle que tous les Alcorans du monde.

M. Turner devrait vous dire quel est cet honnête chrétien-là : il m’a fait l’honneur de m’envoyer son œuvre ; je voudrais bien lui faire présent de mon petit chétif Newtonisme.

Adieu, mon cher Père Mersenne ; Mersenne des agréments et des choses essentielles, quand vous embrasserai-je donc ?


924. — À MADEMOISELLE QUINAULT[2].
Cirey, ce 16 août.

Vous voulez, charmante Thalie,
Ressusciter et rendre au jour
Ma Melpomène ensevelie
Dans le sombre et profond séjour
De l’obscure philosophie.
C’est, je vous jure, un grand effort :
Car je sens que je suis bien mort,
Et je regrette peu la vie.

Vous êtes toute propre à faire des miracles ; j’en ai grand besoin. Je ne sais si je n’ai pas renoncé entièrement à l’envie dangereuse de me faire juger par le public. Il vient un temps, aimable Thalie, où le goût du repos et les charmes d’une vie retirée l’emportent sur tout le reste. Heureux qui sait se dérober de bonne heure aux séductions de la renommée, aux fureurs de

    des couleurs. C’est un des prodiges que l’Angleterre voit naître chaque jour. Je vous prie de vouloir bien m’abonner à son livre, et faire inscrire mon nom au nombre des heureux lecteurs de ses productions. Ayez aussi la bonté de me faire passer les Œuvres de Côtes et de Smith le plus promptement possible. J’ai déjà lu tous les chapitres sur les marées, qui vous ont été indiqués par M. Turner et M. Brumond, car j’ai près de moi leurs réflexions philosophiques ; mais je ne suis point satisfait de ces petits traités. La question n’est pas traitée assez longuement. Nous avons besoin des nouvelles observations du grand Halley. Si M. Turner voulait avoir la bonté de me procurer quelque chose de neuf sur cette partie de la philosophie naturelle, je lui serais trés-obligé. Dites-lui qu’il faut qu’il vienne à Cirey avant de retourner en Angleterre, car Cirey est une province d’Angleterre : il faut absolument que M. Turner vienne dans le comté de Cirey. Adieu, mon cher Thieriot. Moussinot donnera tout l’argent nécessaire pour acheter les livres anglais. Milady Emilie Newton me charge de ses compliments pour vous.

  1. Sans doute Sale, dont il est question tome XXIV, pages 142 et 556.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.