Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/63

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que ces vers plats se rebondissent du voisinage des autres !

Compte à jamais au moins sur ma reconnaissance,
Sur la foi, sur les vœux qui sont en ma puissance,
Sur tous les sentiments du plus juste retour,
S’il en est, après tout, qui tiennent lieu d’amour.

Voilà qui devient coulant et harmonieux, par les traits consécutifs et par la figure ménagée jusqu’au bout de la phrase.

Bauche va réimprimer Zaïre, je la corrige. Prault réimprimera la Henriade[1] ; je la corrige aussi. Je corrige tout, hors moi. Savez-vous bien que je retouche Adélaïde, et que ce sera une de mes moins mauvaises filles ?

J’ai lu Jules César. Est-ce M. Algarotti qui a lui-même traduit son italien ? Apprenez que ce Vénitien-là a fait des dialogues sur la lumière où il y a malheureusement autant d’esprit que dans les Mondes, et beaucoup plus de choses utiles et curieuses.

J’ai lu la Zaïre anglaise : elle m’a enchanté plus qu’elle n’a flatté mon amour-propre. Comment ! des Anglais tendres, naturels ! without bombast ! without similes at the end of acts ! Quel est donc ce M. Hill[2] ? Quel est ce gentilhomme[3] qui a joué Orosmane sur le théâtre des comédiens ? Cet honneur fait aux arts ne sera-t-il pas consacré dans le Pour et Contre ? Autrefois ce Pour et Contre avait été contre Zaïre ; ah ! il doit faire amende honorable.

Rameau s’est marié avec Moncrif[4]. Suis-je au vieux sérail ? Samson est-il abandonné ? Non ; qu’il ne l’abandonne pas. Cette forme singulière d’opéra fera sa fortune et sa gloire.


579. — À MADEMOISELLE QUINAULT.
Cirey, 10 mars 1736.

Je reçus votre lettre, mademoiselle, le 22 février ; nous voici au 16 mars. Votre Enfant prodigue est fait, transcrit et envoyé à M. d’Argental. Le sujet, et le peu de temps que j’ai mis à le traiter, doivent me répondre des sifflets ; mais enfin Zaïre, la chrétienne Zaïre, née au même endroit où la parabole de l’Enfant prodigue fut faite, ne m’a jamais coûté que dix-huit jours. Aussi l’ai-je corrigée avec soin pour la nouvelle édition qu’on en va faire.

  1. Édition in-8o, de 1737, avec une préface de Linant.
  2. Traducteur de Zaïre ; voyez tome II, pages 549 et suiv.
  3. Il s’appelait Bond. Voyez tome II, page.536.
  4. On ne connaît point d’ouvrage de Moncrif mis en musique par Rameau.