Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/172

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Mon généreux ami, il est certain qu’il me faut une réparation, ou que je meure déshonoré. Il s’agit de faits, il s’agit des plus horribles impostures. Vous ne savez pas à quel point l’abbé Desfontaines est l’oracle des provinces.

On me crie à Paris que mon ennemi est méprisé ; et moi, je vois que ses Observations se vendent mieux qu’aucun livre. Mon silence le désespère, dites-vous. Ah ! que vous êtes loin de le connaître ! Il prendra mon silence pour un aveu de sa supériorité, et, encore une fois, je resterai flétri par le plus méprisable des hommes, sans en pouvoir tirer la moindre vengeance, sans me justifier. Je suis bien loin de demander le certificat de Mme  de Bernières pour en faire usage en justice ; mais je voulais l’avoir par-devers moi, comme j’en ai déjà sept ou huit autres, pour avoir en main de quoi opposer à tant de calomnies, un jour à venir.

J’espère surtout avoir un désaveu authentique au nom des avocats. Le bâtonnier l’a promis. La lettre de Mme  de Bernières me servira de certificat, et je la ferai lire à tous les honnêtes gens. À l’égard de mon Mémoire, je le refondrai encore, je le ferai imprimer dans un recueil intéressant de pièces de prose et de vers, dans lequel seront les Épitres, que je crois enfin corrigées selon votre goût.

De grâce, ne me citez point M. de Fontenelle : il n’a jamais été attaqué comme moi, et il s’est assez bien vengé de Rousseau en sollicitant plus que personne contre lui.

Encore une fois, j’arrête mon procès ; mais, en le poursuivant, qu’ai-je à craindre ? Quand il serait prouvé que j’ai reproché à l’abbé Desfontaines des crimes pour lesquels il a été repris de justice, n’est-il pas de droit que c’est une chose permise, surtout quand ce reproche est nécessaire à la réputation de l’offensé ? Je lui reproche quoi ? des libelles ; il a été condamné pour en avoir fait. Je lui reproche son ingratitude. Je ne l’ai point calomnié ; je prouve, papiers en main, tout ce que j’avance. J’ai fait consulter des avocats ; ils sont de mon avis, mais enfin tout cède au vôtre. Je ne veux me conduire que par vos ordres. À l’égard de Saint-Hyacinthe, je veux réparation ; je ne souffrirai pas tant d’outrages à la fois. Où est donc la difficulté qu’on exige un désaveu d’un coquin tel que lui ? Pourrait-on dire que cela n’est rien ? Je suis donc un homme bien méprisable ; je suis donc dans un état bien humiliant, s’il faut qu’on ne me considère que comme un bouffon du public, qui doit, déshonoré ou non, amuser le monde à bon compte, et se montrer sur le