Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je n’entretiens Votre Altesse royale que de plaisirs, tandis qu’elle combat sérieusement Machiavel pour le bonheur des hommes ; mais je remplis ma vocation, comme mon prince remplit la sienne ; je peux tout au plus l’amuser, et il est destiné à instruire la terre.

Je suis, etc.


1189. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Aux haras de Prusse (Trakehnen), 15 août[1].

Enfin, hors du piège trompeur,
Enfin, hors des mains assassines
Des charlatans que notre erreur
Nourrit souvent pour nos ruines,
Vous quittez votre empoisonneur :
Du Tokai, des liqueurs divines
Vous serviront de médecines,
Et je serai votre docteur.
Soit ; j’y consens si, par avance.
Voltaire, de ma conscience
Vous devenez le directeur.

Je suis bien aise d’apprendre que le vin de Hongrie est arrivé à Bruxelles. J’espère apprendre bientôt de vous-même que vous en avez bu, et qu’il vous a fait tout le bien que j’en attends. On m’écrit que vous avez donné une fête charmante, à Enghien, au duc d’Aremberg, à Mme du Châtelet, et à la fille du comte de Lannoi ; j’en ai été bien aise, car il est bon de prouver à l’Europe, par des exemples, que le savoir n’est pas incompatible avec la galanterie.

Quelques vieux pédants radoteurs,
Dans leurs taudis toujours en cage,
Hors du monde et loin de nos mœurs,
Effarouchaient, d’un air sauvage,
Ce peuple fou, léger, volage[2],
Qui turlupine les docteurs.
Le goût ne fut point l’apanage
De ces misérables rêveurs
Qui cherchent les talents du sage
Dans les rides de leurs visages,
Et dans les frivoles honneurs
D’un in-folio de cent pages.
Le peuple, fait pour les erreurs.
De tout savant crut voir l’image
Dans celle de ces plats auteurs.
Bientôt, pour le bien de la terre,

  1. La lettre 1200 est aussi la réponse à celle-ci.
  2. Cet auteur fou, léger, volage. (Variante des Œuvres posthumes, éditions de Berlin et de Londres.)