Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/494

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Pour trémousser et secouer
Un bourguemestre apoplectique ;
Mais certe il fut fait pour rouer
Un petit Français très-étique,
Tel que je suis, sans me louer.

J’arrivai donc hier à la Haye, après avoir eu bien de la peine d’obtenir mon congé.

Mais le devoir parlait, il faut suivre ses lois ;
Je vous immolerais ma vie ;
Et ce n’est que pour vous, digne exemple des rois,
Que je peux quitter Émilie.

Vos ordres me semblaient positifs, la bonté tendre et touchante avec laquelle Votre Humanité me les a donnés me les rendait encore plus sacrés. Je n’ai donc pas perdu un moment. J’ai pleuré de voyager sans être à votre suite ; mais je me suis consolé, puisque je faisais quelque chose que Votre Majesté souhaitait que je fisse en Hollande.

Un peuple libre et mercenaire.
Végétant dans ce coin de terre,
Et vivant toujours en bateau,
Vend aux voyageurs l’air et l’eau,
Quoique tous deux n’y valent guère.
Là plus d’un fripon de libraire
Débite ce qu’il n’entend pas,
Comme fait un prêcheur en chaire ;
Vend de l’esprit de tous états.
Et fait passer en Germanie
Une cargaison de romans
Et d’insipides sentiments.
Que toujours la France a fournie.

La première chose que je fis hier, en arrivant, fut d’aller chez le plus retors et le plus hardi libraire du pays, qui s’était chargé de la chose en question. Je répète encore à Votre Majesté que je n’avais pas laissé dans le manuscrit un mot dont personne en Europe pût se plaindre. Mais malgré cela, puisque Votre Majesté avait à cœur de retirer l’édition, je n’avais plus ni d’autre volonté ni d’autre désir. J’avais déjà fait sonder ce hardi fourbe nommé Jean Van Duren, et j’avais envoyé en poste un homme qui, par provision, devait au moins retirer, sous des prétextes plausibles, quelques feuilles du manuscrit, lequel n’était pas à