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à Plombières la fin de mes maux, d’une manière ou d’une autre.

Je viens de lire le dernier mémoire d’Euler ; il me paraît confus et absolument destitué de méthode. Je demeure jusqu’à présent dans l’idée que je vous ai exposée dans ma Lettre du 17 novembre dernier, que, lorsque la métaphysique entre dans la géométrie, c’est Arimane qui entre dans le royaume d’Oromasde, et qui y apporte les ténèbres. On a trouvé le secret, depuis vingt ans, de rendre les mathématiques incertaines. Rien n’annonce plus la décadence de ce siècle, où tout s’est affaibli parce qu’on a voulu tout outrer.


2529. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Berlin, au Belvédère[1], le 12 mars.

Sire, j’ai reçu une lettre de Kœnig tout ouverte ; mon cœur ne l’est pas moins. Je crois de mon devoir d’envoyer à Votre Majesté le duplicata de ma réponse[2]. J’ai tant de confiance en ses bontés et en sa justice que je ne lui cache aucune de mes démarches. Je vous soumettrai ma conduite, toute ma vie, en quelque lieu que je l’achève. Je suis ami de Kœnig, il est vrai ; mais assurément je suis plus attaché à Votre Majesté qu’à lui ; et, s’il était capable de manquer le moins du monde à ce qu’il vous doit, je romprais pour jamais avec lui.

Soyez convaincu, sire, que je mets mon devoir et ma gloire à vous être attaché jusqu’au dernier moment. Ces sentiments sont aussi ineffaçables que mon affliction, qui chaque jour augmente.

Je me jette à vos pieds et j’attends les ordres de Votre Majesté.


2530. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[3].
(1753.)

Le roi a tenu son consistoire, et dans ce consistoire il a été discuté si votre cas était un péché mortel ou véniel. À la vérité, tous les docteurs ont reconnu qu’il était très-mortel, et constaté tel par les chutes et rechutes, Mais cependant, par la plénitude de grâce de Belzébuth qui repose sur Sa

  1. Voltaire avait quitté, le 5 mars, la maison de Francheville pour aller loger dans celle du négociant Schweigger, qu’il nomme Belvédère dans ses lettres.
  2. La lettre précédente.
  3. Tirée des archives du Cabinet de Berlin, et publiée dans les Œuvres de Frédéric le Grand, édition Preuss, tome XXII, page 307 : Berlin, 1853. — Cette lettre a été dictée par Frédéric à l’abbé de Prades.