Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/174

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nouvelle de cette indigne édition de Jean Néaulme, j’écrivis deux lettres consécutives à ma nièce, et que je la suppliai d’obtenir de vous la suppression de cet ouvrage informe, dont je sentais toutes les dangereuses conséquences. Elle était alors très-sérieusement malade, et elle ne me manda que longtemps après, qu’il était impossible d’arrêter le débit d’un ouvrage déjà si répandu. Ainsi, monsieur, ce n’est pas votre faute, ni la mienne, si le livre n’a pas été supprimé. Mes lettres existent dans les mains de ma nièce ; elle peut les retrouver, et avoir l’honneur de vous les montrer.

J’ai tâché, en dernier lieu, d’apporter un nouveau remède au mal que mes ennemis m’ont fait en fournissant à un libraire de Hollande un manuscrit informe et altéré. J’ai envoyé à ma nièce un placet au roi, par lequel je le supplie de se faire rendre compte, par monsieur le chancelier[1] de la différence qui est entre mon véritable manuscrit et celui qu’on a imprimé pour me perdre. Je crois le roi trop équitable pour me refuser cette justice, et ceux mêmes qui m’ont accusé auprès de lui doivent me justifier, s’ils ont autant de probité que de christianisme.

Je suis dans un état où je ne puis guère trouver de secours qu’entre les mains de médecins et de chirurgiens habiles, qui ne se trouvent que dans une grande ville ; et ma longue absence ayant dérangé absolument mes affaires, je me vois réduit à mourir dans un pays étranger, sans bien et sans secours. S’il se peut, qu’au moins la vérité soit reconnue : c’est tout ce que je demande, c’est ce que j’attends, monsieur, de vos bons offices et d’un cœur aussi généreux que le vôtre.

Je suis avec respect et reconnaissance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


2690. — À M. ROUSSET DE MISSY.
Colmar, le 9 février.

Lorsque je me plaignis à vous, monsieur, avec franchise, des calomnies que vous avez adoptées sur mon compte dans vos feuilles, vous me répondîtes que votre attachement à la mémoire de Rousseau, votre intime ami, était votre excuse.

J’ai retrouvé, dans mes papiers, deux lettres[2] de votre main

  1. Guillaume de Lamoignon, père de Malesherbes.
  2. L’une de ces deux lettres était celle de Médine, du 17 février 1737, copiée de la main de Rousset, et qui est imprimée tome XXII, page 354 ; la seconde