Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/219

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d’obscurité dans son style que dans sa conduite. Il fait un portrait affreux du comte d’Oxford, sans alléguer contre lui la moindre preuve. C’est ce même Oxford que Pope appelle une âme sereine, au-dessus de la bonne et de la mauvaise fortune, de la rage des partis, de la fureur du pouvoir, et de la crainte de la mort.

Bolingbroke aurait bien dû employer son loisir à faire de bons mémoires sur la guerre de la Succession, sur la paix d’Utrecht, sur le caractère de la reine Anne, sur le duc et la duchesse de Marlborough, sur Louis XIV, sur le duc d’Orléans, sur les ministres de France et d’Angleterre. Il aurait mêlé adroitement son apologie à tous ces grands objets, et il l’eût immortalisée ; au lieu qu’elle est anéantie dans le petit livre tronqué et confus qu’il nous a laissé.

Je ne conçois pas comment un homme qui semblait avoir des vues si grandes a pu faire des choses si petites. Son traducteur a grand tort de dire que je veux proscrire l’étude des faits. Je reproche à M. de Bolingbroke de nous en avoir trop peu donné, et d’avoir encore étranglé le peu d’événements dont il parle. Cependant je crois que ses Mémoires vous auront fait quelque plaisir, et que vous vous êtes souvent trouvée, en le lisant, en pays de connaissance.

Adieu, madame ; souffrons nos misères humaines patiemment. Le courage est bon à quelque chose : il flatte l’amour-propre, il diminue les maux, mais il ne rend pas la vue. Je vous plains toujours beaucoup ; je m’attendris sur votre sort.

Mille compliments à M. de Formont. Si vous voyez M. le président Hénault, je vous prie de ne me point oublier auprès de lui. Soyez bien persuadée de mon tendre respect.


2733. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Manheim, ce 1er mai.

Le manuscrit corrigé de votre main, monsieur, joint au second tome des Annales de l’Empire, m’ont occupé si utilement et si agréablement, ces jours passés, que je n’ai pu vous en témoigner plus tôt ma reconnaissance. Vos ouvrages ne sont pas faits pour être lus à la hâte. Chaque année, pour ainsi dire, dans vos Annales, mérite quelque attention particulière, par les réflexions judicieuses que vous y placez si à propos. L’Essai sur l’Histoire universelle, dont vous avez tiré une grande partie pour vos Annales, ne leur cède en rien, quoique le sujet en soit beaucoup plus vaste ; et ces deux