Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi de Genève, dans le même esprit ; et les sieurs Bousquet et Philibert se sont offerts chacun de leur côté pour faire une édition de mes ouvrages ; mais je suis très-éloigné de prendre sur cela aucune résolution… Je vous remercie tendrement de l’offre de votre campagne. Si j’avais de la santé, et que vous voulussiez vous arranger avec Breitkopt pour faire un jour une édition complète de tout, bien revue, bien corrigée, je pourrais bien prendre le parti d’aller la diriger à Leipsick, ne connaissant de patrie que celle où l’on imprimerait bien mes ouvrages.


2738. — DE FRÉDÉRIC,
prince héréditaire de hesse-cassel.
Cassel, le 7 mai.

Votre lettre, mon cher ami, m’a fait grand plaisir. Je vous suis bien obligé des Annales de L’Empire, que vous m’avez envoyées. J’ai commencé à les lire, et j’en suis presque à la fin du premier tome. Je souhaiterais de trouver quelque chose qui pût être à votre goût dans ces pays, pour vous l’offrir. Vous ne me dites rien de l’état de votre santé. Je veux donc la croire bonne, pour ma propre satisfaction.

Le cabinet de physique me ferait grand plaisir, si nous n’en étions richement pourvus, mon père et moi. J’ose même dire que le mien est fort complet. Il n’en est pas de même des tableaux, dont je serai charmé d’avoir une liste des largeurs et hauteurs, en y joignant les prix, comme aussi les sujets. J’ai grande opinion des deux tableaux du Guide et de Paul Véronèse. Le lustre d’émail me ferait aussi plaisir, si j’en savais la grandeur, de même que des statues.

Je compte aller passer quelques mois à Aix-la-Chapelle et à Spa. L’exercice m’occupe à présent : c’est de ces choses qui fatiguent beaucoup le corps, sans donner de la nourriture à l’esprit. La lecture est un de mes amusements les plus chéris. Je préfère celle qui fournit à la réflexion ; les livres qui traitent de physique, d’astronomie, de nouvelles découvertes, me font grand plaisir. Il a paru, ces jours passés, un livre intitulé Songes physiques. On l’attribue à M. de Maupertuis[1] ; le titre m’invita à le lire. Le sublime auteur y traite de toutes les matières imaginables. Il prétend que la gêne est le principe de tout ce qu’on fait dans ce monde ; qu’un homme qui se tue le fait pour sortir de l’état de gêne où il croit être pour chercher mieux ; que quelqu’un qui boit, le fait pour sortir de l’état de gêne où la soif le retenait. Enfin il fait de cela un système, et en tire des conséquences extrêmement forcées. Tout ce que l’on peut dire, à l’honneur de l’auteur et du livre, c’est que ce sont des songes qu’il réfutera peut-être à son réveil. Ces

  1. L’auteur des Songes physiques, 1753, in-12, est l’abbé Louis-Malo Moreau de Saint-Ellier, né en 1701, mort en 1754, frère de Maupertuis.