Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/268

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Luther, et que toutes les querelles du sacerdoce et de l’empire. Il n’y a que trop de copies de cette dangereuse plaisanterie. Je sais, à n’en pas douter, qu’il y en a à Paris et à Vienne, sans compter Berlin. C’est une bombe qui crèvera tôt ou tard pour m’écraser, et des tragédies ne me sauveront pas. Je vivrai et je mourrai la victime de mes travaux, mais toujours consolé par votre inébranlable amitié. Mme Denis est bien sensible à votre souvenir ; elle partage en paix ma solitude, et m’aide à supporter mes maux. Nous présentons tous deux nos respects à Mme d’Argental. J’envoie, sous l’enveloppe de M. de Chauvelin, le paquet tartare et chinois.

Non, mon cher ange, non. Je viens de relire la pièce. Il me paraît qu’on peut faire des applications dangereuses ; vous connaissez le sujet, et vous connaissez la nation. Il n’est pas douteux que la conduite d’Idamé ne fût regardée comme la condamnation d’une personne[1] qui n’est point Chinoise. L’ouvrage, ayant passé par vos mains, vous ferait tort ainsi qu’à moi. Je suis vivement frappé de cette idée. L’application que je crains est si aisée à faire que je n’oserais même envoyer l’ouvrage à la personne qui pourrait être l’objet de cette application. Je vais tâcher de supprimer quelques vers dont on pourrait tirer des interprétations malignes, ensuite je vous l’enverrai. Mais, encore une fois, la crainte des allusions, le désagrément de paraître lutter contre Crébillon[2], la stérilité des trois actes, voilà bien des raisons pour ne rien hasarder. J’attends vos ordres, et je m’y conformerai toute ma vie, mon cher ange.


2787. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
À Colmar, ce 12 septembre.

Je fais les plus tendres compliments au frère et à la sœur. Je sens qu’il est très-triste d’avoir une si aimable famille, et d’en être séparé. Mme Denis fait ma consolation dans ma solitude et dans mes maladies. Plus elle est aimable, plus elle me fait sentir combien le charme de sa société redoublerait par celui de la vôtre.

La nouvelle la plus intéressante que le conseiller du grand conseil me mande est la démarche que son corps a faite. Je

  1. Mme de Pompadour.
  2. Voyez la lettre du 6 octobre.