Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/271

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travaillé ne peut réussir au théâtre. Ce poëme, tel qu’on l’a imprimé plus d’une fois, est peut-être moins mauvais que celui dont vous vous êtes chargé ; mais l’un et l’autre ne sont faits ni pour le théâtre ni pour la musique. Souffrez donc que je vous renouvelle mon inquiétude sur votre entreprise, mes souhaits pour votre réussite, et ma douleur de voir exposer au théâtre un poëme qui en est indigne de toutes façons, malgré les beautés étrangères dont votre ami, M. de sireuil[1], en a couvert les défauts. Je vous avais prié, monsieur, de vouloir bien me faire tenir un exemplaire du poëme tel que vous l’avez mis en musique, attendu que je ne le connais pas. Je me flatte, monsieur, que vous voudrez bien vous prêter à la condescendance de M. de Moncrif, examinateur de l’ouvrage, en mettant à la tête un avis nécessaire, conçu en ces termes :

« Ce poëme est imprimé tout différemment dans le recueil des ouvrages de l’auteur ; les usages du théâtre lyrique et les convenances de la musique ont obligé d’y faire des changements pendant son absence. »

Il serait mieux, sans doute, de ne point hasarder les représentations de ce spectacle, qui n’était propre qu’à une fête donné par le roi, et qui exige une quantité prodigieuse de machines singulières. Il faut une musique aussi belle que la vôtre, soutenue par la voix et par les agréments d’une actrice prinripale, pour faire pardonner le vice du sujet et l’embarras inévitable de l’exécution. Le combat des dieux et des géants est au rang de ces grandes choses qui deviennent ridicules, et qu’une dépense royale peut sauver à peine.

Je suis persuadé que vous sentez comme moi tous ces dangers ; mais, si vous pensez que l’exécution puisse les surmonter, je n’ai auprès de vous que la voie de représentation. Je ne peux, encore une fois, que vous confier mes craintes ; elles sont aussi fortes que la véritable estime avec laquelle j’ai l’honneur d’être, etc.


2790. — À M. LE CONTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 21 septembre.

Je vous obéis avec douleur, mon cher ange ; l’état de ma santé me rend bien indifférent sur une pièce de théâtre, et ne me laisse sensible qu’au chagrin d’envisager que peut-être je ne

  1. Voyez la lettre 2798.