Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/287

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en français. Voici à peu près ce que j’oserais vous proposer, en attendant que je sois mieux inspiré :


Il[1] eut un cœur sensible, une âme non commune ;
Il fut par ses bienfaits digne de son bonheur ;
Ce bonheur disparut ; il brava l’infortune.
Pour l’homme de courage il n’est point de malheur.


Je ne vous donne, madame, ce faible essai quie comme une esquisse. Voyez si c’est là ce que vous voulez qu’on dise, et je tâcherai de le dire mieux.

Je vous avoue que je ne m’attendais pas de passer huit heures de suite avec la sœur du roi de Prusse à Colmar. Elle m’a accablé de bontés, et m’a fait un très-beau présent. Elle a voulu absolument voir ma nièce. Enfin elle n’a été occupée qu’à réparer le mal qu’on a fait au nom de son frère. Concluons que les femmes valent mieux que les hommes.

M. de Richelieu fait ce qu’il peut pour que j’aille passer l’hiver en Languedoc, et Mme la margrave de Baireuth voulait m’emmener ; mais je doute fort que ma santé me permette le voyage. Si je pouvais quitter Colmar, ce serait pour l’île Jard ; ce serait pour vous, madame, et pour votre digne amie. Ma nièce se joint à moi pour vous souhaiter de la santé, et pour vous assurer du plus sincère attachement.


2805. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Colmar, 24 octobre.

Madame, j’ai fait partir par les chariots de poste une tragédie. Ces voitures ne sont guère accoutumées à porter des vers français. Que n’ai-je pu venir moi-même mettre à vos pieds ces petits amusements ! Et pourquoi faut-il qu’il n’y ait que mes enfants qui fassent le voyage de Gotha !

Votre Altesse sérénissime daigne faire des compliments à ma nièce : elle ressent cette extrême bonté avec la plus respectueuse reconnaissance ; mais, malgré tout l’héroïsme de son amitié pour moi, je lui sais mauvais gré d’être venue me consoler à Colmar. Elle y fait le bonheur de ma vie ; mais elle m’empêche d’être à votre cour : elle me fait à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal.

  1. C’était sans doute le frère ou quelque proche parent de Mme de Lutzelbourg
  2. Éditeurs, Bavoux et François.