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2806. — À M. DE MONCRIF[1].
À Colmar, 24.

Je vois, mon aimable confrère, par votre billet du 8, que vous avez été assez heureux pour ne pas recevoir un énorme fatras que je vous avais adressé, n’osant pas renvoyer sous le couvert de M. le comte d’Argenson. J’ai mis ainsi le dessus : À Monsieur le premier secrétaire de M. le comte d’Argenson, présumant que ce secrétaire quelconque vous rendrait sur-le-champ le paquet. On ne sait comment faire avec les précautions… Depuis ce temps là, vous avez dû être ennuyé de mes lettres. Je rends grâce à ce M. Sireuil et à ce M. Royer, qui me donnent au moins le plaisir de m’entretenir avec vous.

Je fus tout ébahi hier quand on vint me dire, dans ma solitude de Colmar, que la sœur du roi de Prusse, Mme la margrave de Baireuth, m’attendait à souper, et où ? À son auberge. J’y vais en me frottant les yeux. Elle veut m’emmener en Languedoc, où elle va passer l’hiver pour sa santé. Ce ne sera pourtant pas pour elle que j’irai ; ce sera pour M. le maréchal de Richelieu, à qui je l’ai promis. Je serai d’ailleurs encore plus loin des sifflets de Prométhée. Comme je ne partirai que dans un mois ou environ, j’aurai le temps de recevoir vos dernières résolutions sur la mascarade de Pandore.

Croiriez-vous que cette sœur du roi de Prusse a voulu absolument voir ma nièce ? Elle lui a fait toutes les excuses possibles d’une certaine aventure de Cimbres et de Sicambres, et elle a fini par me faire un présent magnifique. Tout cela, d’un bout à l’autre, a l’air d’un rêve. Adieu ; mon attachement pour vous et ma reconnaissance sont des vérités bien réelles.


2807. — À M. Le MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Colmar, le 27 octobre.

C’est actuellement que je commence à me croire malheureux. Nous voilà malades en même temps, ma nièce et moi. Je me meurs, monseigneur ; je me meurs, mon héros, et j’en enrage. Pour ma nièce, elle n’est pas si mal ; mais sa maudite enflure de

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — C’est à tort qu’ils ont daté cette lettre du mois d’avril.