Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait de venir se retirer avec nous auprès de Lausanne. Je lui ai offert la maison que je n’ai pas encore ; j’espère qu’elle et moi nous serons logés l’un et l’autre des mains de l’amitié.

Je m’unis à mon oncle, madame, pour vous prier de faire l’honneur à deux ermites de les venir voir, dès que M. de Brenles sera libre. Il y a longtemps que j’ai celui de vous connaître de réputation, et, par conséquent, la plus grande envie de jouir de votre aimable société. Je vous jure que si je n’étais pas garde-malade, je serais demain à Lausanne pour vous dire combien je suis sensible à toutes vos politesses, et le désir que j’ai de mériter votre amitié.


Denis.

Venez donc l’un et l’autre quand vous pourrez dans ce vaste ermitage, où vous ne trouverez que bon visage d’hôte. Venez recevoir mes tendres remerciements ; venez ranimer un malade, et vous charmerez sa garde.


Voltaire.


2840. — À M. LF PRÉSIDENT HÉNAULT.
Au château de Prangins, près Nyon, pays
de Vaud, 3 janvier 1755.

Voici le fait, monsieur ; je prends la liberté d’écrire[1] à M. le comte d’Argenson, en faveur d’un avocat de Colmar, et je suis comme le Suisse du chevalier de Gramont, je demande pardon de la liberté grande[2]. Une recommandation d’un Suisse en faveur d’un Alsacien n’est pas d’un grand poids ; mais si vous connaissiez mon Alsacien, vous le protégeriez. C’est un homme qui sait par cœur notre histoire de France ; c’est le seul homme de lettres du pays, c’est le meilleur avocat et le moins à son aise, chargé de six enfants. Il s’agit d’une place dans une petite ville affreuse, nommée Munster[3] ; il s’agit de rendre heureux mon ami intime ; il s’appelle Dupont. Il demande d’être prévôt de Munster, et il est assurément très-indifférent à M. d’Argenson que ce soit

  1. Cette lettre nous est inconnue, ainsi qu’une épître badine que Voltaire adressa, douze ou quinze jours plus tard, au comte d’Argenson, sur le même sujet, et dans laquelle se trouvaient ces vers :

    Rendez, rendez heureux l’avocat qui m’engage ;
    Donnez-lui les grandeurs d’un prévôt de village.

  2. Mémoires du chevalier de Gramont, chap. iii.
  3. Elle est à cinq lieues de Colmar, tout près de la papeterie de Luttenbach