Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que moi. Je savais que La Beaumelle, au sortir de chez Maupertuis, avait deux fois recommencé ; mais je ne puis citer le témoignage de Mme ]a comtesse de Bentinck, ni celui des autres personnes qui ont été témoins de la cruauté artificieuse avec laquelle Maupertuis m’a poursuivi près de deux années entières. Je ne peux citer que des témoignages par écrit, et je n’ai que la lettre de La Beaumelle.

Vous n’ignorez pas avec quel nouvel artifice Maupertuis a voulu en dernier lieu déguiser et obscurcir l’affaire, en exigeant de La Beaumelle un désaveu ; mais ce désaveu ne porte que sur des choses étrangères à son procédé.

Je n’ai jamais accusé Maupertuis d’avoir fait les quatre lettres scandaleuses dont La Beaumelle a chargé la coupable édition du Siècle de Louis XIV. Je me suis plaint seulement de ce qu’il m’a voulu perdre, et de ce qu’il a réussi. Je ne me suis défendu qu’en disant la vérité ; c’est une arme qui triomphe de tout à la longue. C’est au nom de cette vérité toujours respectable et souvent persécutée que je vous écris. Je suis très-malade, et j’espérerai, jusqu’au dernier moment, que le roi de Prusse ouvrira enfin les yeux. Je mourrai avec cette consolation, qui sera probablement la seule que j’aurai.

Je suis, etc.


2556. — À. M. ROQUES.
À Gotha, 18 mai.

Je suis fâché à présent, monsieur, d’avoir répondu à La Beaumelle avec la sévérité qu’il méritait. On dit qu’il est à la Bastille ; le voilà malheureux, et ce n’est pas contre les malheureux qu’il faut écrire. Je ne pouvais deviner qu’il serait enfermé dans le temps même que ma réponse paraissait. Il est vrai qu’après tout ce qu’il a écrit avec une si furieuse démence contre tant de citoyens et de princes, il n’y avait guère de pays dans le monde où il ne dût être puni tôt ou tard ; et je sais, de science certaine, qu’il y a deux cours où on lui aurait infligé un châtiment plus capital que celui qu’il éprouve. Vous me parlez de votre amitié pour lui ; vous avez apparemment voulu dire pitié.

Il était de mon devoir de donner un préservatif contre sa scandaleuse édition du Siècle de Louis XIV, qui n’est que trop publique en Allemagne et en Hollande. J’ai dû faire voir par quel cruel artifice on a jeté ce malheureux auteur dans cet abîme. Je vous répète encore, monsieur, ce que j’ai mandé au roi de