Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiers au-dessous de sa valeur au moins[1] ; mais elle est charmante, mais elle est toute meublée, mais les jardins sont délicieux, mais il n’y manque rien, et il faut savoir payer cher son plaisir et sa convenance. Le marché ne sera conclu et signé par-devant notaire que quand toutes les difficultés résultant des lois du pays auront été parfaitement levées, ce qui n’est pas un petit objet. Le conseil d’État donne toutes les facilités qu’il peut donner, mais il faut encore bien d’autres formalités pour assurer la pleine possession d’une acquisition de 90,000 livres. Les paroles sont données entre le vendeur et moi ; j’ai promis les 90,000 livres, à condition qu’on se chargera de tous les frais, et de m’établir toutes les sûretés possibles. Avec tout cela, l’affaire peut manquer ; mille négociations plus avancées ont échoué. Que fais-je donc ? Je me tourne de tous les côtés possibles pour ne pas rester sans maison dans un pays que vous m’avez fait aimer. J’aurai incessamment des réponses touchant les maisons de M. d’Hervart[2]. Je préférerais Prélaz[3], vous n’en doutez point, puisqu’il est dans votre voisinage ; mais nous soupçonnons qu’il n’y a qu’un appartement d’habitable pour l’hiver, et il faut remarquer que nous sommes deux qui voulons être logés un peu à l’aise. Voilà la situation où nous sommes. Il faut absolument que je prévienne l’embarras où je me trouverais si l’on ne pouvait m’assurer à Genève l’acquisition qu’on m’a proposée. Somme totale, il me faut les bords du lac : il faut que je sois votre voisin, et que je vous aime de tout mon cœur. Je n’achète des chevaux que pour venir vous voir, soit de Genève, soit de Vevai, dès que ma santé me permettra d’aller.

Mille respects à Mme de Brenles : je vous embrasse et vous demande pardon. V.


2864. — À M. BERTRANDS[4],
premier pasteur à berne.
À Prangins, 31 janvier.

Vous êtes philosophe, monsieur, et vous m’inspirez une très-grande confiance. Tout ce que vous me dites, dans la dernière

  1. Celle que Voltaire appela les Délices. Voyez plus bas la lettre 2873.
  2. Nommé dans la lettre du 20 décembre 1754 à de Brenles.
  3. Maison de campagne à une demi-lieue de Lausanne.
  4. Élie Bertrand, né en 1712 à Orbe, petite ville du canton de Vaud. Il commença par être pasteur dans un village, et habita pendant quelque temps Boudry, ville où naquit Marat en 1744. Cette année même, Bertrand fut nommé prédicateur à Berne. On a de lui des sermons et plusieurs ouvrages. Bertrand était con-