Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/349

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J’ai promis à monsieur le cardinal votre oncle de faire toujours supprimer cette épithète de petit[1], quoique la plupart des écrivains ecclésiastiques donnent ce nom aux conciles provinciaux. Je voudrais donner à M. le cardinal de Tencin une marque plus forte de mon respect pour sa personne, et de mon attachement pour sa famille. Adieu. Il y a deux solitaires dans les Alpes qui vous aiment bien tendrement. Je reçois votre lettre du 30 janvier : ce qu’on dit de Berlin est exagéré ; mais en quoi on se trompe fort, c’est dans l’idée qu’on a que j’en serais mieux reçu à Paris. Pour moi, je ne songe qu’à la Chine, et un peu aux côtes de Coromandel : car si Dupleix est roi[2], je suis presque ruiné. Le Gange et le fleuve Jaune m’occupent sur les bords du lac Léman, où je me meurs.

Toute adresse est bonne, tout va.


2872. — À M. THIERIOT.
7 février.

Tâchez toujours, mon ancien ami, de venir avec Mme de Fontaine et M. de Prangins ; nous parlerons de vers et de prose, et nous philosopherons ensemble. Il est doux de se revoir, après cinq ans d’absence et quarante ans d’amitié. Je vous avertis d’ailleurs que ma machine, délabrée de tous côtés, va bientôt être entièrement détruite, et que je serais fort aise de vous confier bien des choses avant qu’on mette quelques pelletées de terre transjurane sur mon squelette parisien. Vous devriez apporter avec vous toutes les petites pièces fugitives que vous pouvez avoir de moi, et que je n’ai point. On pourrait choisir sur la quantité, et jeter au feu tout ce qui serait dans le goût des derniers vers de ***. Je m’imagine enfin que vous ne seriez pas mécontent de votre petit voyage, avant que votre ami fasse le grand voyage dont personne ne revient.

Je vous embrasse très-tendrement ; mes respects à MM. les abbés d’Aidie et de Sade. Puissent tous les prélats être faits comme eux !

Vous me parlez de cette Histoire universelle qui a paru sous mon nom ; c’est un monstre, c’est une calomnie atroce, inhumaniorum litterarum fœtus. Il faut être bien sot ou bien méchant pour m’imputer cette sottise ; je la confondrai, si je vis.

  1. L’expression de petit concile n’a pas été changée ; voyez tome XV, page 6
  2. Voyez, ci-dessus, la lettre 2855.