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3020. — À M. LE COMTE DE CHOISEUL[1].
Aux Délices, 17 septembre.

Je crois, monsieur, avoir reçu deux lettres de vous. Les bontés dont vous m’honorez redoublent la douleur que je porterai jusqu’au tombeau d’être éloigné pour jamais de vous et de la maison[2] où vous passez votre vie. J’aurais dû mériter ces bontés par des soins plus assidus pour cet Orphelin que vous avez pris sous votre protection. Plus d’une circonstance très-triste m’a empêché de songer à perfectionner un ouvrage auquel je devais retoucher, et m’a forcé de livrer trop tôt à l’impression ce que j’avais trop tôt livré au théâtre. Des traverses cruelles ont toujours été le fruit de mes travaux. S’il plaisait enfin à la destinée de me laisser des jours tranquilles, si la persécution me laissait respirer dans mon asile, peut-être aurais-je encore la force de faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l’envie extrême que j’ai de mériter votre suffrage. J’explique plus en détail à M. d’Argental tous les contre-temps qui m’ont jeté hors de mes mesures ; mais je n’ai point d’expression, monsieur, pour vous exprimer ma tendre et respectueuse reconnaissance. V.


3021. — À M. DESMAHIS[3].

Quand on écrit d’aussi jolies lettres que vous, monsieur, il faudrait avoir la bonté d’instruire de votre demeure ceux qui ont des remerciements à vous faire. Je hasarde les miens ; je ne sais s’ils vous parviendront ; mais si cette lettre vous est rendue, vous verrez que votre prose m’a fait autant de plaisir que les jolis vers dont vous avez embelli notre Parnasse et amusé la société, lorsque j’avais autrefois le bonheur de vous voir. Je rends grâce à mes Magots de la Chine, et à Mlle Clairon qui les a vernis, de ce qu’ils m’ont valu les témoignages flatteurs de votre souvenir. Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu’il vous appartient de cueillir. La poésie ne doit plus être mon amusement : il ne faut plus que je sacrifie à Melpomène ; mais vous avez longtemps à sacrifier aux Grâces. Mme Denis est

  1. Duc de Praslin en novembre 1762.
  2. Celle de M. d’Argental, dont il était voisin.
  3. Cette lettre est sans date ; elle doit être de septembre 1755. (B.)