Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/483

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état. S’il en réchappe, sa convalescence sera longue, et je lui laisse de grand cœur ma maison, où il est avec toute sa famille. Si nous le perdons, ce seront encore de très-grands embarras joints à ma douleur. La vie est remplie de ces traverses, jusqu’au dernier moment. Ma santé est toujours très-languissante ; il n’y a de consolation que dans une résignation entière à la volonté d’un Être suprême. Quel cruel contraste entre ces réflexions et la gaieté un peu indécente de ces anciens fragments de la Pucelle, qu’on assure être imprimés ! Cette nouvelle achève de me désespérer. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien présenter mes respects à M. le colonel Jenner, aussi bien qu’à M. le banderet de Freudenreich.

Vous ignorez peut-être que le conseil de Genève a fait un réquisitoire à celui de Lausanne, pour se faire représenter le Mémoire scandaleux et calomnieux du nommé Grasset. Le libraire Bousquet a été obligé de donner l’original de ce mémoire, sur la lecture duquel le conseil de Genève a décerné un décret de prise de corps contre Grasset. Je ne pouvais, ce me semble, avoir une meilleure réfutation ; mais enfin cette affaire est toujours désagréable. Oserais-je vous supplier de faire parvenir cette nouvelle à monsieur le secrétaire[1] de votre consistoire, qui m’a paru être informé du Mémoire de Grasset, et de l’effet dangereux qu’il pouvait produire ? Mme Denis vous fait mille compliments. Je vous suis tendrement attaché, à la vie et à la mort.


3028. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 26 septembre.

J’allais à Monrion, mon cher philosophe ; je venais vous embrasser, je jouissais par avance des consolations de votre commerce aussi sûr que délicieux ; j’étais déjà en route, j’avais couché à Prangins, lorsque Mme de Giez m’apprend par un courrier le danger où est son mari. J’aime M. de Giez véritablement ; je lui ai confié une partie de mes affaires ; il m’a paru avoir toute la bonne foi de votre pays ; je serais inconsolable de sa perte. Il est dans ma maison avec toute sa famille ; je ne regrette point d’en être privé, s’il peut y retrouver sa santé ; je ne voudrais y être que pour lui donner mes secours ; mais je suis retombé dans mes maux ordinaires, et me voici malade auprès de Genève,

  1. Tshifeli, cité plus haut, lettre 3011.