Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/495

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Lambert que je serais peut-être assez fou pour lui donner, en son temps, une nouvelle tragédie à imprimer ; mais ce n’est pas du pain cuit pour Lambert. Il faut que les nations soient jugées et que le génie me dise : Travaille. En attendant, mon divin ange, j’ai recours à vous auprès de Lambert ; il s’avise d’imprimer un recueil de toutes mes sottises, et il n’a encore aucune des corrections, aucun des changements sans nombre que j’y ai faits. C’est encore un travail assez grand de mettre tout cela en ordre. Dites-lui, je vous en conjure, qu’il ne fasse rien avant que je lui aie fait tenir tous mes papiers. Ce paresseux est bien ardent quand il croit qu’il y va de son intérêt ; mais son intérêt véritable est de ne rien faire sans mes avis et sans mes secours. De quoi se mêle-t-il de commencer, sans me le dire, une édition de mes œuvres, lorsqu’il sait que j’en fais une à Genève, et lorsqu’il a passé une année entière sans vouloir profiter des dons que je lui offrais ? Il m’envoya, il y a un an, une feuille de La Henriade, et s’en tint là ; et point de nouvelles. Je lui mandai enfin que je payerais la feuille, et qu’il s’allât promener. Je donnai mes guenilles à d’autres, et, à présent, le voilà qui travaille, et sans m’avoir averti. Je vous prie, mon cher ange, de lui laver la tête en passant, si vous le rencontrez en allant à la Comédie, si vous vous en souvenez, si vous voulez bien avoir cette bonté. Je vous demande bien pardon de mon importunité ; mais encore faut-il être imprimé à sa fantaisie. Adieu ; je voudrais travailler à la vôtre, et réussir autant que j’ai envie de vous plaire.


3038. — À M. DUPONT,
avocat.
Octobre.

Mon cher ami, les maladies découragent à la fin, il y a trois mois que j’ai cessé tout commerce avec le genre humain. Mes amis de Paris ont fait jouer cet Orphelin sans que je m’en sois mêlé. Je serais plus sensible au plaisir de vous revoir que je ne l’ai été à ce petit succès passager. Je comptais aller à Monrion près de Lausanne : je vous aurais envoyé un carrosse sur la route pour vous enlever ; nous aurions philosophé quelque temps avec notre ami M. de Brenles ; mais un homme de Lausanne, à qui j’avais prêté ma maison, s’est avisé d’y tomber malade, et d’y être à la mort six semaines ; il y est encore, tandis que je languis dans mes prétendues Délices.