Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/528

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certains bateleurs sont médecins, les livres qu’ils font imprimer sous mon nom, d’après des manuscrits salis et défigurés, m’ont forcé d’écrire à l’Académie française. J’adresse aux compagnies littéraires de province la copie de cette lettre, dans laquelle je cherche à prémunir le public contre leurs méchancetés. Je n’ai pas dû oublier dans cette occasion l’académie dont vous êtes le digne secrétaire. J’ai eu le plaisir de vous voir ci-devant et pour trop peu de temps à Paris. Je conçus alors autant d’amitié pour votre personne que d’estime pour votre caractère aimable autant que modeste. Après avoir quitté la capitale et un peu trop couru le monde, j’ai trouvé le repos aux bords du lac de Genève. Cette ville renferme des hommes d’esprit, des littérateurs instruits et des magistrats honnêtes qui viennent souvent chez moi et qui ne se fâchent pas que je n’aille pas chez eux. Ils me laissent toute ma liberté, et tout mon loisir. Ajoutez à cela votre amitié, et je serai bien heureux. Je la mérite par les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur, etc.


3076. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 6 décembre.

Mon cher ami, les pucelles, les tremblements de terre, et la colique, me mettent aux abois. Les petits maux me persécutent, et je suis encore sensible à ceux de la fourmilière sur laquelle nous végétons avec autant de tristesse que de danger. On n’est pas sûr de coucher dans son lit, et, quand on y couche, on y est malade ; du moins c’est mon état, et c’est ce qui m’empêche de venir faire avec vous des jérémiades à Monrion. J’ai encore, pour surcroît de malheur, un cheval encloué dans le meilleur des mondes possibles. Je suis prêt à partir ; j’ai encore envoyé de petits bagages à l’ermitage de Monrion, et, dès que mon cheval et moi nous serons purgés, je prendrai sûrement un parti ; en attendant, je n’en peux plus. Si je suis confiné à mes prétendues Délices, il faudra que je vous envoie Mme Denis, qui me paraît enchantée de vous et de Lausanne ; mais le mieux sera de l’accompagner, et, somme totale, je viendrai vif ou mort. Il y a un docteur Tissot qui dissèque proprement son monde, c’est une consolation ; je ne me console point pourtant de mon ami Giez. Mille respects à Mme de Brenles ; je vous embrasse du meilleur de mon cœur. V.