Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/536

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nom, est non-seulement un outrage fait à la vérité défigurée en plusieurs endroits, mais un manque de respect à notre nation, dont la gloire qu’elle a acquise dans cette guerre méritait une histoire imprimée avec plus de soin. Mon véritable ouvrage, composé à Versailles sur les mémoires des ministres et des généraux, est, depuis plusieurs années, entre les mains de M. le comte d’Argenson, et n’en est pas sorti. Ce ministre sait à quel point l’histoire que j’ai écrite diffère de celle qu’on m’attribue. La mienne finit au traité d’Aix-la-Chapelle, et celle qu’on débite sous mon nom ne va que jusqu’à la bataille de Fontenoy. C’est un tissu informe de quelques-unes de mes minutes dérobées et imprimées par des hommes également ignorants. Les interpolations, les omissions, les méprises, les mensonges, y sont sans nombre. L’éditeur ne sait seulement pas le nom des personnes et des pays dont il parle, et, pour remplir les vides du manuscrit, il a copié, presque mot à mot, près de trente pages du Siècle de Louis XIV. Je ne puis mieux comparer cet avorton qu’à cette Histoire universelle que Jean Néaulme imprima sous mon nom il y a quelques années. Je sais que tous les gens de lettres de Paris ont marqué leur juste indignation de ces procédés. Je sais avec quel mépris et avec quelle horreur on a vu les notes dont un éditeur[1] a défiguré le Siècle de Louis XIV. Je dois m’adresser à vous, messieurs, dans ces occasions, avec d’autant plus de confiance que je n’ai travaillé, comme vous, que pour la gloire de ma patrie, et qu’elle serait flétrie par ces éditions indignes, si elle pouvait l’être.

Je ne vous parle point, messieurs, de je ne sais quel poëme entièrement défiguré, qui paraît aussi depuis peu. Ces œuvres de ténèbres ne méritent pas d’être relevées, et ce serait abuser des bontés dont vous m’honorez ; je vous en demande la continuation.

Je suis avec un très-profond respect, etc.


3088. — À M. PIERRE ROUSSEAU[2].
À Monrion, près Lausanne, 24 décembre 1755.

Je vois, monsieur, par toutes vos lettres que vous pensez en philosophe, et que vous m’honorez de votre amitié ; je vous dois une reconnaissance égale à mon estime. J’ai l’honneur de vous

  1. La Beaumelle.
  2. Publiée par M. Capitaine (Recherches sur les journaux liégeois).