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3118. — À M. PICTET,
professeur en droit,
Monrion, 12 février.

Mme Denis, mon très-cher voisin, prétend qu’elle a écrit très-régulièrement à Mme Pictet. Il faut que les lettres se soient croisées. Ce n’est pas avec les personnes que l’on aime qu’on manque à son devoir. Je vous remercie de vos nouvelles. Je commence à douter de la destruction de Philadelphie. Quoique je tienne cette nouvelle du roi Stanislas, je ne doute pas que le ministre de France n’envoie, comme vous le dites, des secours en Amérique sur des vaisseaux détachés. On les prendra peut-être plus aisément ; mais les ministres ont leurs raisons, dans lesquelles il ne m’appartient pas de pénétrer.

Le roi de Prusse fait des traités[1] et des vers ; il peut faire tout ce qu’il voudra. Mille tendres respects à toute votre famille. V.


3119. — À M. BRIASSON,
librairie à paris.
À Monrion, 13 février.

Avant de travailler à l’article Français[2], il serait bon que quelque homme, zélé pour la gloire du Dictionnaire encyclopédique, voulût bien se donner la peine d’aller à la Bibliothèque royale et d’y consulter les manuscrits des Xe et XIe siècles, s’il y en a dans le jargon barbare qui est devenu depuis la langue française. On pourrait découvrir peut-être quel est le premier de ces manuscrits qui emploie le mot français, au lieu de celui de franc. Ce serait une chose curieuse de fixer le temps où nous fûmes débaptisés, et où nous devînmes sauvages français, après avoir été sauvages francs, sauvages gaulois, et sauvages celtes.

Si le roman de Philomena[3], écrit au xe siècle en langue moitié romance, moitié française, se trouve à la Bibliothèque du roi, on y rencontrera peut-être ce que j’indique. L’histoire des

  1. Voyez plus haut la lettre 3112.
  2. Ou François, comme le titre de l’article parut orthographié dans le tome VII de l’Encyclopédie, en 1757.
  3. M. Raynouard, dans son Choix des poésies originales des troubadours, 1817, tome II, page 273, prouve que ce roman est du xiie siècle. Voyez ce qui en est dit dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, tome XXI, pages 137 et 146, (B.)