Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2595. — DE MADAME DENIS À M. LE BARON DE FREYTAG[1].

Je suis désespérée, monsieur, de ce que vous me faites dire par le petit garçon. Au nom de Dieu, n’envenimez pas une affaire, lorsque mon oncle est prêt de faire tout ce que vous voudrez. Songez qu’il est attaché au roi plus que jamais. Si le mémoire vous déplaît, mon oncle en fera un autre ; il se soumet à tout ce qu’on veut. Que lui demandez-vous ? J’implore votre justice et votre bonté, et je suis très-malade.

Ma nièce est au lit mourante ; au nom de Dieu, ayez pitié de nous, et surtout d’une femme respectable et désespérée.

    M. le conseiller aulique s’était aussitôt rendu chez le bourgmestre, non-seulement pour le bien disposer, mais encore pour lui donner sa caution par rapport à la réquisition royale. Il y rencontra la prétendue nièce de Voltaire, mais que Je considère comme un tout autre personnage, car hier est arrivée une lettre à sa destination portant l’adresse « Mad. de Voltaire ». Comme cette drô1esse effrontée s’en allait dans la ville étourdir les magistrats, le bourgmestre la fit mettre aux arrêts avec le secrétaire ; et comme Voltaire, dans la maison de Schmid, avait tenté de s’échapper une seconde fois, on le fit conduire à l’hôtel de la Corne de bouc, et on donna une garde à chaque prisonnier, que nous avons réduite à deux soldats après réception de votre dernière lettre*. Suh D se trouve ce que Voltaire a fait imprimer dès le second jour de son arrestation ; il a de nouveau quelque chose sous presse. Il ne nous laissera pas d’honneur pour une maille et il s’exprime aussi bien peu gracieusement sur vous, très-haut et très-bien né, à cause de la lettre de recommandation. En attendant, nous avons bon besoin d’une réquisition royale formelle, que nous avons promise dans notre Pro Memoria (sub C), et encore de lettres reversales, s’il devait être ramené en Prusse ; puis, s’il doit être relâché, d’un ordre royal ostensible, avec approbation très-gracieuse de notre conduite dans l’affaire. Si vous ne voulez pas que la chose s’ébruite trop, envoyez-moi une carte blanche, avec la signature de Sa Majesté le roi, et l’entête : « Réquisition aux magistrats de Francfort, concernant le de Voltaire ; » nous la remplirons selon les règles. Si cet homme avait attendu un seul jour, nous aurions pu le laisser aller ; maintenant il nous faut attendre la réquisition et les ordres ultérieurs de Sa Majesté. La clef de chambellan, la croix et le livre, nous les enverrons par la poste. Nous demeurons avec tout le respect, etc.

    pro memoria**.
    Francfort, 20 juin 1753.

    Les deux soussignés, conseillers royaux, ont reçu du roi leur maître, deux rescrits, datés de Potsdam le 11 et le 22 avril, et qui ontéé montrés dans l’original

  1. Éditeur, Varnhagen von Ense.

    *. La lettre du 16 juin arrivée le 21.

    **. C’est la requête adressée au bourgmestre de Fichard par Freytag et Schmid, et qui est écrite de la main de Freytag