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CORRESPONDANCE.

lument nécessaire ; mais je ne le ferai que dans la saison la plus favorable.

Le succès de l’affaire des Sirven me paraît infaillible, quoi qu’en dise Fréron. La calomnie absurde contre cette pauvre servante des Calas[1] ne peut servir qu’à indigner tout le conseil, que cette calomnie attaquait vivement, en supposant qu’il avait protégé des coupables contre un parlement équitable et judicieux. Plus la rage du fanatisme exhale de poison, plus elle rend service à la vérité. Rien n’est plus heureux que de réduire ses ennemis à mentir.

Le prince au service duquel est Morival m’a mandé qu’il l’avait fait enseigne, et qu’il aurait soin de lui[2]. Il est aussi indigné que moi de cette abominable aventure, que j’ai toujours sur le cœur.

Nous sommes embarrassés de toutes les façons à Ferney. Vous pensez bien, messieurs, que les commis condamnés à restituer les cinquante louis d’or cherchent à les regagner par toutes les vexations de leur métier. Nous sommes en pays ennemi. Il est triste de batailler continuellement avec les fermiers généraux. Notre position, qui était si heureuse, est devenue tout à fait désagréable : il faut quelquefois savoir boire la lie de son vin. Nous serons plus heureux quand vous pourrez venir passer quelques mois chez nous. Notre transplantation à Hornoy est actuellement de toute impossibilité.

J’aurais souhaité que Tronchin eût été plus médecin que politique, qu’il se fût moins occupé des tracasseries d’une ville qu’il a abandonnée. S’il a pris parti dans ces troubles, il devait me connaître[3] assez pour savoir que je me moque de tous les partis. Quoi qu’il en soit, il est plaisant que Tronchin soit à Paris, et moi aux portes de Genève ; Rousseau en Angleterre, et l’abbé de Caveyrac à Rome. Voilà comme la fortune ballotte le genre humain.

Je demande à monsieur le Grand Turc pourquoi son baron de Tott est à Neuchâtel. Dites-moi, je vous prie, mon Turc, si ce Turc de Tott vous a donné de bons mémoires sur le gouvernement de ses Turcs. N’êtes-vous pas bien fâché qu’Athènes et Corinthe soient sous les lois d’un bâcha ou d’un pacha ?

Mille amitiés à tous. Le Turc est prié d’écrire un mot.

  1. Voyez une des notes sur la lettre 6823.
  2. Voyez lettre 6812.
  3. Voyez lettres 6822 et 6823.