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ANNÉE 1767

notre hôpital. Vous savez que nous ne sortons jamais ; tous les jours nous sont égaux, et, soit qu’il nous fasse l’honneur de venir dîner vers les deux heures, ou de venir souper et coucher, nous nous flattons qu’il voudra bien avoir quelque condescendance pour un vieillard malingre et pour la simplicité de notre vie.

Vous connaissez les sentiments respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.

Voltaire.
6890. — DE M. MOREAU DE LA ROCHETTE[1].
De Neuville, près Houdan, ce 20 mai 1767.

Il y a deux ans, monsieur, que, touché de l’état malheureux des enfants trouvés qui périssent misérablement dans les hôpitaux, où ils sont comme ensevelis dans des tombeaux vivants, je conçus le projet d’en former des citoyens utiles à l’État, en les employant à différents genres de culture capables de former leur tempérament et de leur inspirer l’amour du travail.

Je proposai à monsieur l’intendant de Paris[2] de me charger d’en faire faire l’essai dans une petite terre que j’ai près de Melun ; il adopta mes vues et me dit qu’il ferait volontiers contribuer à la dépense de la nourriture et entretien de vingt-quatre de ces enfants, si je voulais m’en charger ; en conséquence j’en fis prendre ce nombre de vingt-quatre dans la maison de la Pitié, à Paris, le 24 mai 1765 ; j’en formai une espèce d’école d’agriculture pour la partie des jardins, des potagers, des pépinières, et de toute espèce de plantations de bois. Je leur donnai des maîtres doux qui les dressèrent insensiblement au travail sans que leur santé en ait été altérée ; au contraire, leur tempérament s’est singulièrement fortifié en très-peu de temps, au point que mon établissement a pris, dès la première année, une si bonne consistance, que je crus devoir m’occuper des moyens de lui faire donner toute l’extension dont il me parut pouvoir devenir susceptible. J’en proposai un à monsieur le contrôleur général[3], qu’il goûta fort, et, sur le rapport qu’il en fit au roi, on rendit sur-le-champ l’arrêt du conseil dont j’ai l’honneur de vous adresser un imprimé, persuadé, monsieur, qu’en bon citoyen vous voudrez bien prendre quelque part à un événement aussi intéressant pour l’humanité, et que vous verrez avec plaisir naître tout à la fois les moyens d’étendre une branche de culture et de population aussi précieuse à l’État. J’ai su, monsieur, par M. de Sauvigny, que vous aviez applaudi à cette entreprise, et je crois ne pouvoir mieux mériter votre suffrage que par mon attention à

  1. Mémoires de la Société académique d’agriculture, etc., du département de l’Aube ; tome VI, 3e série, année 1869.
  2. Sauvigny.
  3. Laverdy.