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ANNÉE 1767

verner cette terre, parce que la cessation du commerce avec Genève empêche qu’on ne trouve des fermiers.

Toutes ces raisons me forcent à demeurer où je suis, quelque dur que soit le climat, dans quelque gêne que les troubles de Genève puissent me mettre. M. le duc de Choiseul a bien voulu adoucir le désagrément de ma situation par toutes les facilités possibles. D’ailleurs ma terre, et une autre dont je jouis aux portes de Genève, ont un privilège presque unique dans le royaume, celui de ne rien payer au roi, et d’être parfaitement libres, excepté dans le ressort de la justice. Ainsi vous voyez, monsieur, que tout est compensé, et que je dois supporter les inconvénients en jouissant des avantages.

Je vous remercie de vos offres, monsieur, avec bien de la reconnaissance. Vos sentiments m’ont encore plus flatté ; je vois combien vous avez cultivé votre raison. Vous avez un cœur généreux et un esprit juste. Je voudrais vous envoyer des livres qui pussent occuper votre loisir. Je commence par vous adresser un petit écrit qui a paru sur la cruelle aventure des Calas et des Sirven ; je l’envoie à M. Tabareau, qui vous le fera tenir. Si je trouve quelque occasion de vous faire des envois plus considérables, je ne la manquerai pas. Il est fort difficile de faire passer des livres de Genève à Lyon. Il est triste que ces ressources de l’âme, et les consolations de la retraite, soient interdites.

J’ai l’honneur d’être, etc.

6920. — À M. DAMILAVTLLE.
24 juin.

Monsieur, je reçois la vôtre du 16 juin. Je vois que c’est toujours à vous que les infortunés doivent avoir recours. Le sieur Nervis[1] s’est un peu trop hâté d’aller à Paris ; mais il n’a pas été possible de modérer son empressement. Il n’était pas d’ailleurs trop content de Genève. Je sais que sa présence n’imposera pas beaucoup : la veuve respectable d’un homme livré par le fanatisme au plus horrible supplice, accompagnée de deux filles dont l’une était belle, devait faire une impression bien différente. Je crois que le mieux que peut faire Nervis est de ne se montrer que très-peu.

M. Cassen, son avocat, me paraît homme de mérite, qui pense sagement, et qui agit avec noblesse. Heureusement l’affaire est

  1. Sirven.