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CORRESPONDANCE.

Français que La Beaumelle ne serait capable de ce procédé. J’ai donc cru que je ne manquais pas à ce que je dois à Votre Altesse sérénissime en donnant un certificat authentique devant les juges du point d’honneur, qu’on appelle en France la connétablie. Ce certificat atteste que ce fut La Beaumelle, et non un autre, qui partit de Gotha avec une servante qui avait volé sa maîtresse. Cette affaire est très-importante pour le gentilhomme faussement accusé. Mon devoir est de vous en rendre compte. Je me flatte que votre équité approuvera ma conduite.

Je me mets aux pieds de monseigneur le duc et de toute votre auguste maison. Permettez-moi, madame, de ne point oublier la grande maîtresse des cœurs. Agréez le profond respect avec lequel je serai jusqu’au tombeau, madame, de Votre Altesse sérénissime le très-humble et très-obéissant serviteur.

6934. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
Le 10 juillet.

Votre vieux philosophe est bien fâché de n’avoir pu voir apparaître encore dans son ermitage le philosophe militaire de Dirac. Comptez, monsieur, que je sens toute ma perte.

Je ne sais si la nouvelle que vous m’avez apprise d’une émeute des calvinistes, auprès de Sainte-Foy, a eu des suites. On m’a mandé qu’on avait démoli un temple auprès de la Rochelle, et qu’il y avait eu du monde tué ; mais je me défie de tous ces bruits, et je me flatte encore qu’il n’y a pas eu de sang répandu ; il ne faut croire le mal que quand on ne peut plus faire autrement. Notre petit pays est plus tranquille, malgré la prétendue guerre de Genève. Nous sommes entourés des troupes les plus honnêtes et les plus paisibles ; il n’y a rien eu de tragique que sur le théâtre de Ferney, où nous leur avons donné les Scythes et Sémiramis ; de grands soupers ont été tous nos exploits militaires.

Le ministère a daigné jeter les yeux sur notre pays de Gex. On y fait de très-beaux chemins : on m’a même pris quatre-vingts arpents de terre pour ces nouvelles routes ; mais je sais sacrifier mon intérêt particulier au bien public.

On a des copies très-imparfaites de la petite plaisanterie de la Guerre de Genève : on a mis Tissot[1], au lieu d’un médecin nommé

  1. Le nom de Tissot n’est dans aucune des éditions que j’ai vues ; dans toutes on lit Bonnet. (B.) — Voyez tome IX, le chant III de la Guerre civile de Genève.